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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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maintenant ?
     
    BELLILOTTE, lasse et résignée.
     
    Rien... Qu’est-ce que je peux devenir encore ? Du reste, je ne veux plus rien. Ils n’ont qu’à faire de moi ce qu’il leur plaira. ( Après un silence .) Ils veulent m’expédier au loin, quelque part... et je ne demande pas mieux... Plus ce sera loin, mieux ça vaudra. Je ne me défends plus. A quoi bon ? Des gens comme nous, ça ne doit pas faire trop de bruit ; on n’a qu’à bouffer, si l’on a de quoi, et vivre si on vous laisse vivre ! On n’est pas très intéressants, nous autres, petites gens. Le bon Dieu n’a pas le temps de s’occuper de nous.

     
    FOURÈS.
     
    Voyons, Bellilotte, ne te laisse pas aller ainsi ! Faut pas se laisser écraser comme ça !
     
    BELLILOTTE.
     
    Il ne faut pas ? Alors, défends-toi ! Essaie donc ! Ils font de nous ce qu’ils veulent... ils ont tout pour cela et ils sont tous d’accord. Nous autres on ne peut rien contre eux. ( Tout à fait résignée .) Notre bateau a fait naufrage, François !
     
    FOURÈS.
     
    Bêtises ! Notre cause est bonne, je m’en rends compte à leur peur ! Tu ignores encore ce que moi je sais : le divorce qu’on nous a fait signer là-bas est une coquinerie, une honteuse tromperie, il n’est pas valable devant la loi ! Nous sommes toujours mariés !
     
    BELLILOTTE, se défendant vivement .
     
    Non, non, François... cela jamais... jamais plus ! Avec n’importe qui, mais pas avec toi !
     
    FOURÈS, amer.
     
    Avec n’importe qui, mais pas avec moi ?
     
    BELLILOTTE.
     
    Comment pourrais-je vivre auprès de toi, après toutes ces choses ! Non, François, t’appartenir encore après avoir été à un autre, non, ce n’est pas possible, on n’oublie pas ! Et même si tu voulais l’oublier, tu ne le pourrais pas – ni moi non plus. Nous ne ferions quenous meurtrir l’un l’autre et avoir honte l’un devant l’autre... Non, François, ce qui est cassé est bien cassé. On ne peut pas oublier si vite !
     
    FOURÈS, se mordant les lèvres.
     
    Tu veux dire que tu ne peux pas l’oublier, lui !
     
    BELLILOTTE.
     
    Ah, laissons cela !... C’est tout autre que ce qu’on peut dire. Je sais ce que tu penses de moi mieux que cela, que tu es meilleur qu’eux tous... ( Elle hésite un instant, puis énergiquement .) Oui, qu’eux tous. Mais ils sont plus forts et dans ce monde c’est toujours le plus fort qui a raison. On ne peut pas changer cela. Et toi non plus, tu n’y peux rien changer. ( Silence. Puis elle s’approche de lui .) C’est pourquoi je viens te demander de céder ! Laisse-leur la victoire, ils n’ont rien que leurs victoires, rien que leur misérable pouvoir. Je sais que tu es dans ton droit, tu le sais aussi et Dieu, s’il existe, le sait également ! Alors, pourquoi aller mendier devant leurs juges vendus un oui ou un non ? Ce qu’ils nous ont pris, personne ne nous le rendra. Que veux-tu donc attendre d’eux ?
     
    FOURÈS, d’une voix sourde.
     
    Maintenant – plus rien !
     
    BELLILOTTE.
     
    Alors, cède, je t’en supplie, cède ! Tu sais que j’ai toujours eu la plus grande estime pour toi, toujours, François, alors même que... Mais jamais je ne pourrai t’estimer davantage, je te le jure, que si tu as la force de cracher sur leurs juges et leurs discours et d’aller droitton chemin. Ce n’est pas une honte d’être vaincu par les puissants de cette terre si l’on reste soi-même honnête et droit ! Il n’y a qu’une chose que je ne pourrais pas supporter, c’est que tu sois une fois encore humilié par eux... ridicule à leurs yeux ! Tu sais bien, François, qu’ils sont les plus forts et que seul on ne peut rien contre tous. On ne peut rien...
     
    FOURÈS, serrant les mâchoires.
    Mais si on peut... Même si on doit y laisser sa peau !
     
    BELLILOTTE, avec passion.
     
    Mais tout cela n’a pas de sens, François, c’est de la folie ! Pour cet homme meurent tous les jours des milliers d’êtres humains et personne ne s’en soucie ! N’essaie pas de changer le monde où seuls les puissants auront toujours raison ! Laisse-leur ce pitoyable pouvoir, ils en sont eux-mêmes les esclaves ! Tu n’y changeras rien, toi seul, François... ( Avec insistance, voyant que Fourès se tait obstinément .) Et puis, pense aussi à moi, car il ne s’agit pas que de ta vie à toi ! Crois-tu que je pourrais supporter qu’ils te fassent disparaître en sachant que c’est à cause de moi que cela
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