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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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Silence ) En ce moment, proférer des injures contre le chef de nos armées est un acte de haute trahison. Aucun tribunal en France ne verrait la chose autrement !

     
    BELLILOTTE, prise d’un violent accès de rage :
     
    Mais cela ne peut pas... cela ne peut pas arriver... Ce serait un crime ! Vous le savez bien, citoyen ministre, tout le monde à l’armée le sait ce qu’on lui a fait. Vous savez bien qu’il ne crie que parce qu’on l’a piétiné. Acculer un homme au désespoir et puis encore l’accuser, simplement parce qu’il se défend... non, cela ne peut pas être... devant Dieu, cela ne peut pas être possible ! ( Fouché se tait. Bellilotte, toujours plus véhémente : ) Ce serait un crime... et je ne le permettrais pas ! Non, je préférerais mourir... non, je ne l’accepterais pas ! Fourès n’a rien fait, mais ce qu’on lui a fait à lui, c’est plus qu’un homme ne peut supporter. On a marché sur lui comme sur une bête, il serait lâche s’il n’exhalait pas sa colère ! Fourès est innocent, je vous le jure. Il est incapable d’une indignité. Et jamais cet homme ne s’engagera dans une entreprise qui ne soit parfaitement honnête et honorable, je vous le promets !
     
    FOUCHÉ l’arrêtant net :
     
    Que me promettez-vous ? ( Il la fixe du regard ) Que pouvez-vous me promettre ? (Bellilotte le regarde étonnée, sans comprendre.) Pouvez-vous me promettre qu’il cessera enfin ses vaines... et Dieu sait combien ridicules attaques contre le Consul ? Supposons que je lui rende la liberté et réfléchissez : ne recommencera-t-il pas demain, sans se soucier que sans la confiance dans son général la République est perdue ? Non, sans garantie je ne peux pas le relâcher ! ( Bellilotte se tait, effrayée .) Vous vous trompez si vous pensez que je veux du mal à Fourès. Au contraire, et mieux, je ne doute nullement de sa parfaite honorabilité. ( Il respire )J’en doute même si peu que je prends sur moi de le libérer immédiatement... ( Un silence )... s’il s’engage à considérer cette affaire comme définitivement terminée. Un mot, une poignée de main et François Fourès est libre ! ( Bellilotte se tait, toujours inquiète .) Si donc vous voulez le sauver...
     
    (Il attend.)
     
    BELLILOTTE.
     
    Mais comment le pourrai-je ? Il ne m’écoutera sûrement pas. ( Désespérée ) : Car c’est moi la coupable dans tout cela, moi seule !
     
    FOUCHÉ.
     
    Bon. Peut-être réussirai-je, moi, à le persuader et à vous en éviter ainsi la peine ! En tout cas, je vais essayer tout de suite. ( Il sonne. Un huissier entre. ) Introduisez le lieutenant Fourès... ( A Bellilotte, rapidement .) Mais si je devais échouer, dites-vous que tout est entre vos mains : la vie ou la mort... ( D’un air détaché ) Il faut mettre un terme à cette sotte affaire. Nous sommes en guerre avec la moitié de l’Europe et n’avons pas de temps à perdre avec M. Fourès. Comme je vous l’ai dit, je vais agir de mon mieux et ne ferai appel à vous que s’il n’y a pas d’autre moyen.
     
    (Bellilotte sort par une porte latérale.)
     
    FOURÈS entre la tête haute. Il masque son désespoir par une attitude narquoise. Insolent :
     
    Vous m’avez convoqué, citoyen ministre. Voilà, jesuis à votre disposition. Qu’est-ce que la République a à me reprocher ?
     
    FOUCHÉ, nonchalamment, sans tenir compte de son ton provocant :
     
    Veuillez vous asseoir, citoyen Fourès ! On est mieux pour parler.
     
    (Fourès s’assied, hésitant. Attitude méfiante. Sur la défensive comme pour parer à une attaque.)
     
    FOUCHÉ.
     
    Pourquoi je vous ai fait appeler, citoyen Fourès ? Pour vous dire quelque chose de très simple : ( Sur un ton presque amical ) Vous faites des bêtises, citoyen lieutenant ! ( Fourès bondissant veut répondre. Fouché continue, imperturbable .) Oui, je dis bien : des bêtises. Je ne trouve pas de terme plus poli. Ou bien préférez-vous que je qualifie de haute trahison le fait d’un homme qui, seul sur vingt-quatre millions de Français, se met à crier dans la rue : « A bas Bonaparte ! » Non, citoyen Fourès, on ne tue pas le réorganisateur de la France avec des piqûres de moustique.
     
    FOURÈS.
     
    Gardez vos plaisanteries. Quant à moi, je tiens le général Bonaparte pour un assassin de la République et je prends la responsabilité de mes paroles. Si je suis coupable, faites-moi comparaître devant la
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