Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Titus

Titus

Titel: Titus
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
une balustrade, surplombe le pont de la galère. Des centurions et le tribun Placidus, que je connaissais, l’entouraient. Leurs capes voletaient et je voyais leurs corps vigoureux, leurs torses musclés, leurs mains épaisses qui avaient empoigné la balustrade, car les amarres venaient d’être larguées et le navire déjà oscillait. La houle d’hiver était forte, s’engouffrant même dans le port, et la traversée en cette saison s’annonçait périlleuse.
    En m’avançant vers la plate-forme, j’ai aperçu aux côtés de Titus deux jeunes gens au visage glabre, à la tête rasée. Ils portaient sous leurs capes brunes de longues tuniques blanches en tissu fin, aux manches courtes et largement échancrées sur leurs poitrines. On devinait ainsi que leurs corps comme leurs visages étaient épilés.
    À chaque fois que la galère était soulevée et qu’elle restait immobile sur la crête d’une vague, les rames ne réussissant pas à s’enfoncer dans l’eau si grise qu’elle en paraissait presque noire, les deux éphèbes poussaient de petits cris de femme.
     
    Je me suis souvenu des rumeurs qui, à Rome, décrivaient Titus comme l’un de ces débauchés élevés au palais impérial et dont Néron avait fait ses compagnons de vice. On assurait même que Titus surpassait l’empereur en perversité et en cruauté, et que ce goût pour la luxure l’avait sauvé de la mort.
    Il avait été l’ami de Britannicus, mais Néron n’avait pas voulu le condamner. Et Titus avait seulement été malade d’avoir goûté les plats empoisonnés destinés au frère de l’empereur. Britannicus était mort, mais Néron avait dépêché au chevet de Titus des médecins non pour l’achever, lui ouvrir les veines, comme ils étaient souvent chargés de le faire, mais pour le guérir.
    Ils y étaient parvenus et Titus avait recommencé à courir, en compagnie de Néron, les ruelles de Rome, s’enfonçant dans le cloaque des tavernes et des lupanars. Lui aussi aimait faire souffrir pour jouir.
    Mais, en récompense, Néron, qui aimait à changer de partenaire, l’avait envoyé comme tribun auprès des légions qui combattaient en Bretagne et en Germanie.
    Il s’y était distingué aux côtés de son père, Flavius Vespasien. Rentré à Rome, il avait paru plus attiré encore par toutes les perversions. On disait qu’il usait chaque nuit de plusieurs jeunes femmes et jeunes hommes auxquels, comme l’empereur, il imposait des accouplements étranges, mêlant son corps aux leurs.
    Et c’est cet homme-là que je devais servir !
    Il s’est approché de moi, jambes écartées pour rester en équilibre, et il a saisi et serré longuement mes poignets, criant, pour dominer la rumeur du vent, qu’il était heureux et fier d’avoir auprès de lui un philosophe pour affronter un peuple qui prétendait être savant. Le roulis nous a jetés l’un contre l’autre.
    — Tu étais l’ami de Sénèque, m’a-t-il murmuré, son corps appuyé au mien.
    Puis, au moment où nous nous écartions et sans qu’il lâchât mes poignets, il a ajouté d’une voix railleuse :
    — Et tu es vivant ! Les dieux sont avec toi, Serenus ! Voilà un bon présage pour notre guerre contre les Juifs.
    Il m’a fixé et j’ai baissé les yeux, me sentant coupable d’avoir survécu à mon maître Sénèque, craignant d’être soupçonné de n’y avoir réussi qu’en le trahissant, en devenant l’un des délateurs de Néron.
    Mais je n’ai pas répondu à Titus.
    L’intensité de son regard, son sourire, sa beauté me troublaient et m’inquiétaient. Je pressentais qu’il en usait comme d’un poison subtil, sûr de sa séduction.
    Il avait un visage régulier et énergique, plein pourtant d’une grâce presque féminine. Ses cheveux noirs couvraient de leurs courtes boucles le haut de son grand front. Les yeux enfoncés, mais d’un large ovale, paraissaient, dans la peau mate, plus bleus qu’ils n’étaient.
    Nous gagnâmes la haute mer et les rames battaient souvent dans le vide tant les vagues étaient hautes et leurs crêtes, blanches et aiguës. Puis, après quelques instants durant lesquels la galère paraissait immobile, la trirème retombait, le pont et même la plate-forme balayés par l’écume, l’eau envahissant le bâtiment d’où jaillissaient les cris affolés des rameurs, dont aucun n’eût survécu à un naufrage.
    Agrippé à la balustrade, Titus faisait face au vent, son corps arc-bouté. Ainsi il
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher