Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Titus

Titus

Titel: Titus
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
visage cachés par un voile bleu, une jeune fille a traversé le jardin à petits pas si rapides qu’ils donnaient l’impression qu’elle courait, puis elle s’est arrêtée au bord du bassin, loin encore de Ben Zacchari qui s’était tourné vers elle.
    — La paix ! a-t-elle hurlé. Tu oses employer ce mot alors que déjà cinquante mille Juifs ont été massacrés ici, dans cette ville dont tu es si fier, où, dis-tu, on te respecte et on t’écoute, dont tu assures que les Juifs font la gloire et la prospérité ! Et combien de milliers sont morts à Jérusalem, à Césarée, à Tibériade et à Antioche, combien ? Je connais le discours d’Agrippa, le tien : est-ce que mourir, c’est jouir de la paix ?
    En parlant, elle s’est approchée de Ben Zacchari.
    — Va jusqu’au bout de ton chemin, a-t-elle ajouté en se dressant sur la pointe des pieds, deviens comme Tibère Alexandre, un apostat, un serviteur de Rome, leur esclave !
     
    Elle s’est éloignée, le mouvement de sa marche rapide faisant flotter autour d’elle sa longue tunique et son voile.
    Ben Zacchari s’était tassé, les épaules resserrées comme s’il avait pris froid.
    — Ma fille Léda, a-t-il murmuré. C’est l’autre voix qui parle en moi.
    Il a soupiré :
    — Léda a seize ans. Ce sont les jeunes qui veulent et font la guerre. Ils y meurent.
    Je me suis levé.
    — Mourir au combat n’est rien, ai-je répondu. Le pire est de survivre prisonnier, esclave des vainqueurs.
     
    Ben Zacchari m’a suivi jusqu’au vestibule, puis, marchant côte à côte, nous avons parcouru la longue allée bordée de palmiers et de lauriers qui partageait le jardin entourant la demeure.
    J’ai aperçu le centurion Parus qui, les mains serrant les pommeaux de ses deux glaives, le long et le court, allait et venait, soulevant à chacun de ses pas le sable ocre.
    — Sauve ta fille des soldats, ai-je ajouté en quittant Ben Zacchari.
    Je l’ai entendu marcher derrière moi, puis il m’a saisi le poignet, me forçant à m’arrêter, à le regarder.
    Il m’a semblé que ses yeux s’étaient davantage enfoncés dans son visage marqué de cernes noirs.
    — Protège-la, si Dieu te met un jour en face d’elle, m’a-t-il dit.
    J’ai haussé les épaules.
    Il a lâché mon poignet, a chuchoté :
    — Tu es venu dans ma maison, tu m’as parlé. Tu as vu Léda et tu l’as entendue. Notre Dieu, Romain, ne fait rien au hasard. Souviens-toi d’elle, Serenus !

 
     
4
    Je n’ai pas oublié Léda, la fille de Ben Zacchari.
    J’ai même cru la reconnaître au milieu d’un groupe de femmes juives croisées non loin de la synagogue.
    Elles s’étaient arrêtées alors que je m’approchais d’elles, précédé par le centurion Parus. Elles ont semblé vouloir m’interdire d’avancer et Parus a dégainé son glaive long. Elles se sont écartées, criant avec violence des mots que je ne comprenais pas, tendant le poing dans notre direction, et, alors qu’elles étaient déjà loin de nous, les plus jeunes – Léda m’a paru l’une d’elles – nous lançant des pierres.
    J’ai retenu Parus qui voulait les poursuivre, s’emparer d’elles, les vendre comme esclaves, mais d’abord, disait-il en passant le dos de sa main sur ses lèvres, jouir de leurs corps.
    — Les Juives sont grasses, elles ont la peau douce comme des poules dodues.
    J’ai tenté de ne pas l’entendre, faisant le tour de la synagogue, découvrant l’immensité de ce sanctuaire dont Tibère Alexandre m’avait assuré qu’il était le plus vaste du monde après le Temple de Jérusalem, et qu’il pouvait contenir près de cent mille fidèles.
    Il ne paraissait pas avoir été attaqué ni endommagé lors des émeutes antijuives qui avaient saccagé tout le quartier.
    Ici on avait massacré des milliers de Juifs, pillé et incendié leurs maisons. On ne les avait pas reconstruites et leurs murs calcinés, leurs toits effondrés étaient comme des plaies noires et béantes maculant les rues.
    Sur certaines façades, j’ai même découvert les traînées brunes du sang séché des victimes. Les légionnaires avaient dû les clouer avec leur glaive ou leur javelot, la foule les lapider ou les tuer à coups de bâton.
    Lorsque, le soir venu, dans la tente de Titus qui s’élevait au milieu du camp de la XV e légion, j’ai décrit au légat ce que j’avais vu, ces Juifs qui priaient devant les décombres de leurs maisons, devant ces murs tachés
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher