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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
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l’ecclésiastique avait
demandé pourquoi ils tenaient tant à aborder cette question. Ibrahim lui avait
expliqué que lui et ses coreligionnaires ignoraient tout de sa religion et qu’ils
avaient entendu, de la part des foqahas, tant de rumeurs invraisemblables
qu’ils voulaient en avoir le cœur net. Perfectus les instruisit donc, de la
manière la plus neutre possible, des dogmes de l’Église et de ses rites ;
l’assistance l’écoutait attentivement et un cordonnier, Anwar, lui fit
remarquer que lui et les autres Musulmans considéraient Jésus comme un Prophète
et vénérait sa mère, connue sous le nom de Mariam, même s’ils mettaient en
doute le fait qu’une vierge ait pu enfanter. Devant ce qu’il considérait comme
un blasphème, le prêtre perdit patience et répliqua d’un ton courroucé qu’il
n’avait pas de leçons à recevoir d’hommes qui vénéraient Mohammed qui, selon
les théologiens chrétiens, avait mené une vie de débauche et était inspiré par
Satan. Puis il quitta la pièce où il se trouvait, prétextant qu’il devait se
rendre au chevet d’un malade pour lui apporter les consolations de la religion.
    Anwar était un être fourbe et rusé.
Ses affaires marchaient mal et il était endetté jusqu’au cou. Quelques jours
après cette discussion, il se rendit à la basilique Sainte-Ascicle et tenta
d’extorquer, en échange de son silence, une grosse somme d’argent à Euloge.
Indigné, celui-ci lui rappela le pacte passé entre eux et le chassa de
l’église. Furieux, et sans consulter ses coreligionnaires, Anwar se rendit au
palais et sollicita une audience du grand eunuque, al-Nasr.
    Le fata al-kabir réalisa
immédiatement tout le profit qu’il pouvait tirer de cet incident et fit arrêter
Perfectus. Traduit devant un tribunal, le malheureux fut, conformément à la
loi, condamné à mort séance tenante. Al-Nasr retarda l’exécution. C’était un
spectacle qu’il souhaitait offrir au peuple à l’occasion de la fête marquant la
fin du ramadan. Informé de l’affaire, l’évêque de Kurtuba, Saül, intervint,
sans succès, auprès de Comes, puis, muni des témoignages des autres
participants à la discussion, se rendit chez Mohammed Ibn Rustum pour demander
la grâce du prêtre qui n’avait consenti à parler qu’assuré que rien de fâcheux
ne lui arriverait. Indigné du comportement de son rival, le hadjib tenta alors
d’obtenir la clémence d’Abd al-Rahman mais ce dernier, manipulé par le fqih
Yahya Ibn Yahya al-Laithi, laissa la justice suivre son cours. Le 1 er shawwal 235 [129] après la grande prière qui se tenait, ce jour-là, sur le Rasif, Perfectus fut exécuté sous les quolibets et les lazzis de la foule.
    Grisé par ce succès et sa popularité
auprès de la lie de la populace, al-Nasr perdit tout sens de la mesure. Abd
al-Rahman vieillissait. Soucieux d’assurer son avenir après le décès du
souverain, le grand eunuque se rapprocha de Tarub, faisant comprendre à la
princesse qu’il pourrait faciliter l’accession au trône de son fils Abdallah.
Le stratagème de l’eunuque était simple. Il éloignerait de Kurtuba les autres
princes et ferait boire à l’émir une potion mortelle. Sitôt constaté la mort du
monarque, Abdallah se précipiterait au palais et s’y ferait proclamer émir en
distribuant force gratifications aux Muets. Il lui présenta un médecin
originaire d’Harran en Mésopotamie, connu sous le nom d’al-Harrani. Mis dans le
secret, al-Harrani feignit d’accepter, craignant d’être tué en cas de refus.
Profitant du fait qu’il était admis dans la partie du palais réservée aux
femmes, le médecin eut un long entretien avec Fakhr à laquelle il dénonça la
conspiration. L’ancienne favorite, que Tarub ne ratait pas une occasion
d’humilier, s’empressa de prévenir Abd al-Rahman. Celui-ci mit en place un
piège ; il annonça qu’il envoyait trois de ses fils, Mohammed, al-Mundhir
et al-Mutarrif, participer à une saifa contre les Nazaréens du Nord. Al-Nasr
crut avoir les mains libres et passa à l’action.
    Un soir, Abd al-Rahman simula un
malaise. Il avait reçu, durant la journée, plusieurs délégations et affirma que
ces audiences l’avaient épuisé. Affichant la plus grande inquiétude, al-Nasr
suggéra de faire appeler le médecin de la cour. Celui-ci, à l’en croire, était
expert dans l’art de préparer des remèdes contre tous les maux connus. Quand
l’eunuque lui présenta,
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