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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
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remarquer par leurs talents ne connaissent que la
langue et la littérature arabes ; ils lisent et étudient avec la plus
grande ferveur les livres arabes, ils s’en forment à grands frais d’immenses
bibliothèques. Parlez-leur au contraire des livres chrétiens. Ils vous
répondront avec mépris que ces livres-là sont indignes de leur attention.
Quelle douleur ! Les Chrétiens ont oublié jusqu’à leur langue et, sur
mille d’entre nous, vous trouverez à peine un seul qui sache écrire
convenablement une lettre latine à un ami. Mais s’il s’agit d’écrire une lettre
en arabe, vous trouverez une foule de personnes qui s’expriment dans cette
langue avec la plus grande élégance, et vous verrez qu’elles composent des
poèmes préférables, sous le point de vue de l’art, à ceux des Arabes eux-mêmes.
     
    — Paul a raison, s’exclama le
prêtre Perfectus. Il est inutile de se fermer les yeux devant la réalité
d’autant que bien des signes attestent que la délivrance est proche.
    — Que veux-tu dire par
là ? s’enquit Isaac, inquiet du ton exalté de son interlocuteur.
    — Dieu s’est souvenu de Son
peuple et a eu pitié de nous. Il nous a manifesté de manière éclatante Sa
sollicitude il y a de cela quelques années. Rappelez-vous ce qui s’est passé
chez nos frères du Nord avec lesquels nous avons de plus en plus de mal à
maintenir le contact. Près de la ville d’Iria Flavia, lors des travaux de
réparation d’un cimetière, les ouvriers ont exhumé le tombeau de l’apôtre
Jacques, mort en martyre dans cette ville. Il avait connu notre Seigneur et
traversé les mers pour nous apporter la parole du Christ. Depuis, sur
l’emplacement de sa sépulture, une magnifique église a été bâtie et des
pèlerins, qui s’y sont rendus, ont attesté que de nombreuses guérisons
miraculeuses s’étaient produites. Nous devrions jeûner des semaines entières
pour nous punir de n’avoir pas voulu entendre le message qui nous était
adressé.
    — Et quel est-il ?
l’interrogea Isaac.
    — Que nous devons imiter
Jacques et confesser publiquement le nom du Sauveur auprès de tous ceux qui
vivent encore dans les ténèbres.
    — Tu veux, dit le comte, parler
de nos coreligionnaires qui cèdent aux plaisirs de l’existence.
    — D’autres sont concernés.
Juifs et Musulmans doivent recevoir la Bonne Nouvelle.
    — S’agissant des Juifs, cela
est possible, fit Paul, encore que je doute de la réussite de pareille
entreprise. Je sais qu’ils sont prêts à mourir plutôt que de renoncer à leurs
erreurs.
    — En ce qui concerne les
Ismaélites, ajouta Isaac, c’est prendre un risque considérable. L’apostasie
chez eux est un crime puni de mort et je crains que rares soient ceux qui
accepteraient de recevoir à la fois l’eau du baptême et la hache du bourreau.
Souvenez-vous de ce qui est arrivé au neveu d’Ajan, l’une des concubines
favorites d’al-Hakam. En dépit des supplications de sa tante, ce jeune homme a
été décapité car il était soupçonné, je dis bien simplement soupçonné,
d’hétérodoxie et de mépris affiché [128] de l’islam.
    — Je suis aussi conscient que
toi des périls d’une telle démarche, reprit Perfectus. Ce que je veux, c’est
frapper l’imagination des tièdes parmi nous. Il est grand temps que les
Chrétiens sortent de la torpeur où ils se complaisent depuis que Tarik Ibn Zyad
a conquis notre pays. Celui-ci est une nouvelle Egypte où nous croupissons sous
le joug de Pharaon. Moïse, jadis, n’hésita pas à se présenter devant celui-ci
pour proclamer sa foi. Je réfléchis depuis des mois à tout cela et je suis
arrivé à la conclusion qu’il nous faut des martyrs.
    — Précise ta pensée, fit Isaac.
    — Il faut que les plus
courageux d’entre nous aient l’audace de défier publiquement les Musulmans en
leur révélant les erreurs abominables auxquelles ils ajoutent crédit et en leur
montrant qu’ils suivent aveuglément la parole d’un débauché.
    — Perfectus dit vrai, s’exclama
Paul Alvar. Voilà ce que j’ai écrit de leur Mohammed : « Cet ennemi
de notre Seigneur a consacré le sixième jour à la bonne chère et à la débauche.
Le Christ a prêché le mariage, la sobriété et le jeûne, lui le divorce et les
plaisirs de la table. »
    — Voilà pourquoi, continua
Perfectus, nous devons réagir. Nous ferons honte de la sorte à tous ceux qui
imitent servilement les Arabes et, frappés
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