Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
Vom Netzwerk:
martyre en blasphémant ouvertement l’islam
équivalait à un suicide sévèrement condamné par l’Église. Ceux qui tenteraient
désormais d’imiter Perfectus seraient de facto excommuniés et n’auraient
pas droit à une sépulture en terre chrétienne. Seul Saül, l’évêque de Kurtuba,
protesta contre cette décision et demanda à Euloge de venir éclairer le concile
sur les raisons qui poussaient les fidèles à confesser publiquement leur foi,
au péril de leur vie. Mal lui en prit. Sur ordre de Cornes, l’un et l’autre
furent arrêtés et jetés en prison, au grand soulagement, il faut le
reconnaître, des Chrétiens de Kurtuba qui redoutaient que l’émir ne lance
contre eux ses partisans.
    Cette crainte décupla après
l’arrestation de deux couples de Musulmans qui avaient hébergé chez eux un
moine de Jérusalem, Georges. Cette hospitalité parut suspecte aux espions de
Mohammed Ibn Rustum. Arrêtés, leurs domestiques furent soumis à la torture et
avouèrent rapidement que leurs maîtres s’étaient convertis au christianisme.
Fils d’un père musulman et d’une mère chrétienne, Aurelius avait été élevé par
sa tante maternelle ; confié à l’adolescence à ses oncles paternels, de
riches propriétaires terriens, il apprit chez eux les rudiments du Coran. Il
avait épousé une Arabe yéménite, Leïla, à laquelle il avoua son baptême en
secret et son aversion pour l’islam. Éperdument amoureuse de lui, la jeune
femme décida de l’imiter et, dans l’intimité, n’acceptait d’être appelée que
par son prénom wisigoth, Sabigotho. Sa sœur, Liliosa, avait épousé un nommé
Félix qui était devenu musulman dans l’espoir, vite déçu, d’obtenir une charge
à la cour. Sans savoir qu’elles étaient discrètement suivies par des agents au
service du hadjib, les deux femmes, prétextant des réjouissances familiales,
partirent pour Ishbiliyah et furent surprises alors qu’elles entraient, non
voilées, dans une église où le moine Georges les attendait. Ramenées à Kurtuba,
elles comparurent, avec leurs époux, devant le cadi. Condamnés à mort comme
relaps, tous furent exécutés le 27 juillet 852. Quelques jours plus tard, les
moines Christophos et Léovigilde ainsi qu’un laïc, Jérémie, connurent pareil
sort.
    Avant d’être mis en croix, celui-ci
répondit au cadi qui lui proposait d’avoir la vie sauve s’il se convertissait à
l’islam :
    — Je ne tiens pas à cette vie.
Dans quelques instants, Dieu m’accueillera dans Son paradis au milieu des
saints et des bienheureux. J’aurai la chance de contempler Sa face et de
chanter Ses louanges. Rien ne vaut pareil bonheur. Sous peu, je verrai les démons
traîner jusqu’à l’enfer votre souverain, Abd al-Rahman, que son rang ne
protégera pas de la damnation éternelle. Je le proclame, sous peu, il devra
répondre de ses crimes.
    Les habitants de Kurtuba furent
frappés de stupeur quand ils apprirent, peu de temps après, que l’émir avait
été saisi d’un violent accès de fièvre et que les médecins, appelés à son
chevet, désespéraient de le guérir. Rassemblant ses dernières forces, Abd
al-Rahman se fit porter jusqu’à la grande mosquée pour assister à la prière du vendredi.
Son apparition déclencha l’enthousiasme des fidèles qui se bousculaient pour
tenter de l’approcher. D’un geste las, il fit signe à la foule de se taire et,
d’une voix tremblante d’émotion, prononça ces mots :
    — Ma vie est entre les mains
d’Allah le Tout-Puissant et le Tout-Miséricordieux. Je suis prêt à obéir à ses
décrets. Je ne crains pas la mort car j’ai accompli ma tâche du mieux que j’ai
pu. Il me suffit de comparer l’état de ce royaume quand mon père me l’a laissé
et ce qu’il est devenu aujourd’hui. Nos villes sont prospères et nos campagnes
verdoyantes. Là où n’étaient que ruines et désolations, s’élèvent les vergers
d’Allah. Je vous les confie. Prenez-en grand soin et faites en sorte qu’ils
produisent les fruits les plus doux et les plus exquis afin que l’on sache,
dans tout le Dar el-Islam et au-delà, qu’al-Andalous est l’antichambre du
paradis. J’ai dit.
    Puis l’émir regagna ses appartements
où il s’éteignit le 3 rabi II 238 [130] Peu auparavant, il avait pris soin de recevoir une dernière fois les
dignitaires musulmans, juifs et chrétiens, afin de les associer ainsi à sa
gloire et de prouver qu’il ne faisait aucune
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher