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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
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ne puis, pour l’heure, rien te
dévoiler.
    — J’obéirai tout en regrettant
d’être séparé de mon ami Euloge.
    — Je vais être franc avec toi.
Tu veux être prêtre parce qu’Aunulone, la sœur d’Euloge, n’a pas voulu de toi
et a préféré entrer dans les ordres. Respecte son choix. Le Seigneur a
d’ailleurs décidé de te consoler. Fulvia, sa sœur, t’offre son cœur et je
serais ravi de bénir votre union.
    — Comment le sais-tu ?
    — Euloge et Aunulone ont
recueilli ses confidences et seraient heureux que tu fasses partie de leur
famille.
    — Soit. Il en sera fait ainsi
que tu le désires.
    Paul épousa donc Fulvia. Unis par la
foi et les liens du sang, lui et Euloge figuraient parmi les Chrétiens les plus
influents et les plus agissants de Kurtuba. Ils n’auraient manqué pour rien au
monde de répondre à l’appel d’Isaac. Ce dernier expliqua à ses fidèles que
l’arrivée de Bodo ne présageait rien de bon. Ce traître trouverait un terrain
favorable à ses entreprises car la communauté chrétienne de la capitale
traversait une passe difficile qu’il analysa froidement devant ses
interlocuteurs. Leurs coreligionnaires étaient heureux, trop heureux à son
goût. Dans l’ensemble, ils n’avaient guère eu à se plaindre d’Abd al-Rahman et
de ses prédécesseurs. Certes, ils étaient des dhimmis, des protégés, contraints
comme les Juifs à payer la djizziya et le kharadj. Ils ne différenciaient guère
ces impôts humiliants des autres taxes dont, à l’instar des Musulmans, ils
devaient s’acquitter pour exercer leurs métiers. Ils n’étaient pas persécutés
et se montraient des sujets dociles. Ils avaient pu conserver leurs églises,
leurs monastères et leurs couvents, quitte à partager les édifices religieux
les plus importants avec les Ismaélites, comme cela avait été le cas de la
basilique Saint-Vincent. Ils pouvaient célébrer en toute liberté leurs offices
même s’il leur était interdit de faire sonner leurs églises ou d’organiser des
processions publiques. Ces restrictions avaient humilié leurs aïeux, pas eux.
Hormis ceux qui s’étaient rendus en Ifrandja ou chez les Vascons, la plupart
ignoraient la divine musique des cloches. Pis, ils ne prêtaient plus attention
à l’appel du muezzin qui retentissait cinq fois par jour tant celui-ci leur paraissait
naturel et familier.
    Dans leur vie quotidienne, les
Chrétiens n’étaient victimes d’aucune discrimination. Ils s’administraient
selon leurs propres lois, sous l’autorité d’un comte. Isaac était considéré
comme un dignitaire de la cour et lui manquer de respect était un crime
sévèrement puni. En province, ses semblables étaient fréquemment consultés par
le wali local et avaient pu conserver, voire même agrandir, leurs domaines.
D’autres Chrétiens étaient employés comme fonctionnaires au Dar al-Imara et
figuraient parmi les serviteurs les plus zélés et les plus écoutés de l’émir.
    Le développement économique de
Kurtuba avait profité à tous ses habitants, sans distinction de religion. Le
nombre des indigents avait singulièrement diminué. Or, jusque-là, les pauvres
étaient étroitement dépendants des subsides versés par de riches fidèles à
l’Église. Depuis qu’ils n’en avaient plus besoin, ils ne fréquentaient que très
rarement les églises, s’y rendant pour Noël et Pâques, voire uniquement pour
s’y marier et faire baptiser leurs enfants. Certains même, parmi les
commerçants et les artisans, dont la clientèle était musulmane, parlaient
parfaitement l’arabe et laissaient planer un doute sur leur appartenance
religieuse. Plus d’un voyageur étranger, de passage à Kurtuba, s’était étonné
de ne pas les voir interrompre leurs activités quand retentissaient l’appel à
la prière. Quand il les questionnait, ils répondaient de manière évasive,
affirmant qu’ils étaient surchargés de travail et qu’ils feraient leurs dévotions,
sans préciser lesquelles, plus tard.
    Si la piété des fidèles vacillait,
elle ne risquait pas d’être réveillée par les prêtres, indignes, pour la
plupart, d’exercer leur sacerdoce. Isaac, ce soir-là, n’avait réuni que ceux,
une dizaine à peine, en lesquels il avait une entière confiance. Les autres,
des êtres frustes et ignorants, étaient pour lui un souci constant. Paillards
et ivrognes, ils étaient la risée du peuple. En province, la situation était
pire. Beaucoup de
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