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Shogun

Shogun

Titel: Shogun
Autoren: James Clavell
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Alban Caradoc, homme généreux, à la bedaine imposante, à la barbe
grise et en broussaille.
    « Mais ne pourrait-on pas faire cuire les légumes et
garder le bouillon ?
    —  Ça rend malade, mon gaillard.
Personne n’a jamais découvert de moyen pour le conserver.
    —  Il paraît que Francis Drake part
bientôt.
    —  Non, mon garçon. Tu ne peux pas
partir avec lui.
    —  J’ai bientôt quatorze ans. Vous
laissez bien Tim et Watt s’engager. Drake a besoin d’apprentis pilotes.
    —  Ils ont seize ans, eux. Tu as à
peine treize ans.
    —  On dit qu’il va essayer de
franchir le détroit de Magellan, qu’il va ensuite longer la côte jusqu’aux
régions vierges – jusqu’aux Californies – pour trouver le détroit d’Anian qui
relie le Pacifique à l’Atlantique. Il va faire directement route des
Californies jusqu’à Terre-Neuve, jusqu’au passage Nord-Ouest enfin. »
    —  Le soi-disant passage
Nord-Ouest. Personne n’a encore prouvé cette légende.
    —  Lui le fera. Il est amiral
maintenant et nous serons le premier navire anglais à franchir le détroit de
Magellan, à aller dans le Pacifique, le premier – je ne retrouverai jamais une
pareille occasion.
    —  Bien sûr que si. De toute façon,
il ne percera jamais les secrets du détroit de Magellan à moins d’avoir volé un
carnet ou d’avoir capturé un pilote portugais. Combien de fois devrai-je te le
répéter – un pilote doit être patient. Apprends la patience, mon garçon.
Tu as beaucoup à…
    — Je vous en prie !
    — Non !
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’il part pour deux ou trois ans, peut-être
plus. Les faibles et les jeunes seront très mal nourris et n’auront presque
rien à boire. Sur cinq bateaux, le sien seul reviendra. Tu ne tiendrais pas le
coup, mon garçon.
    — Alors je vais m’engager sur son bateau. Je suis fort.
Il me prendra !
    — Écoute-moi. J’étais avec Drake sur le Judith, un
navire de cinquante tonneaux, à San Juan de Ulua quand, avec l’amiral Hawkins
qui se trouvait à bord du Minion, nous avons forcé les lignes de ces
charognards d’Espagnols pour sortir du port. Nous faisions le commerce des
esclaves entre la Guinée et la mer des Antilles, mais nous n’avions pas leur
autorisation. Ils ont trompé Hawkins et ont pris notre flotte au piège. Ils
avaient treize gros bateaux. Nous en avions six. Nous leur en avons coulé
trois. Ils nous ont envoyé par le fond le Swallow, l’Angel, la Caravelle et le Jesus of Lubeck. Drake nous a bien sûr sortis du
piège et nous a ramenés au pays. Il restait onze hommes à
bord pour raconter l’histoire. Hawkins n’en avait plus que quinze. Sur quatre
cent huit loups de mer ! Drake est sans pitié, mon
garçon. Il veut de l’or ; il aspire à la gloire, mais à son seul profit.
Trop d’hommes sont morts pour en fournir la preuve .
    — Je ne mourrai pas, moi. Je serai l’un des…
    — Non. Tu es en apprentissage pour douze ans. Il te
reste dix ans à faire ; après, tu seras libre. Jusque-là, jusqu’en 1588,
tu apprendras à construire un bateau, à le commander. Tu obéiras à Alban
Caradoc, maître charpentier, pilote et membre de Trinity House. Sinon, tu
n’obtiendras jamais ton brevet. Si tu ne l’as pas, tu ne pourras jamais piloter un bateau dans les eaux anglaises ; tu ne commanderas jamais le
gaillard d’arrière d’ aucun bateau anglais sur aucune mer parce
que telle est la loi édictée par notre bon roi Henry, paix à son âme ;
telle est la loi de notre grande putain de Marie Tudor, puisse son âme brûler
en enfer ; telle est la loi de Notre Gracieuse Majesté, puisse-t-elle
régner à jamais ; telle est la loi anglaise, la meilleure qui ait jamais
existé. »
    Blackthorne se souvint de la haine qu’il avait éprouvée à
l’égard de son maître, de Trinity House, de ces douze années de semi-esclavage,
sans lesquelles, il le savait, il n’aurait jamais pu obtenir la seule chose
dont il rêvait. Il avait encore plus détesté Alban Caradoc
quand, pour sa gloire éternelle, Dra ke et son sloop de
cent tonneaux, le Golden Hind, étaient miraculeusement revenus en
Angleterre au bout de trois ans, Premier bateau anglais à avoir fait le tour du
globe avec, à son bord, le plus extraordinaire butin jamais ramené sur ces
rivages : un million et demi de livres d’or, d’argent, d’épices et
d’orfèvrerie.
    Que sur cinq bateaux, quatre aient été perdus, que huit
hommes sur dix soient
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