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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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et le jeune homme prit le temps de regarder la cime des arbres agitée parle vent et de repérer à leurs cris les oiseaux cachés dans les haies. Le soleil ensanglantait déjà le ciel à l’est. Il allait se battre contre un officier irascible, probablement coutumier de la chose, et croyait raisonnable de dire adieu à toutes les splendeurs communes aux hommes. Non par peur, mais par goût du détour et de la contemplation, il arriva le dernier sur le pré. Ponceludon donna son manteau à un des officiers qui avaient accepté d’être son témoin, puis s’en vint trouver le marquis de Bellegarde à qui il confia la lettre pour Mathilde et celle pour sa mère. Le physiologiste assura qu’il ferait le nécessaire et un regard entre les deux hommes scella leurs retrouvailles. Le marquis outrepassa même ses prérogatives en effleurant affectueusement de la main le bras de Ponceludon. Le colonel de Chevernoy, de son côté, s’entretenait avec ses officiers comme avec des compagnons de chasse.
    — Les excuses n’ayant pas été formulées, nous pouvons procéder au tirage au sort, annonça le témoin du colonel.
    Un louis d’or décida de leur destin. Ce fut pile, qui donnait le choix à Ponceludon. Le jeune homme choisit de tirer le premier.
    Les témoins distribuèrent les armes, des pistolets d’arçon, assez lourds. Les adversaires se placèrent à vingt pas, dans l’axe nord-sud, afin qu’aucun d’entre eux ne fût gêné par le lever du soleil.
    — Monsieur de Chevernoy, cria le maître de duel, êtes-vous prêt à essuyer le feu de votre adversaire ?
    L’officier exposa son corps de profil dans la ligne de tir, tout en gardant le visage face au tireur.
    Ponceludon leva son pistolet à bout de bras. L’arme était pesante, et difficile à maintenir stable en ligne. Il pressa sur la gâchette. Bruit sec de la percussion, immédiatement suivi de la détonation qui se répercuta au loin dans les bois. Dans l’instant qui suivit, Chevernoy partait en arrière sans un cri.
    Bellegarde se précipita vers le corps encore agité de spasmes dans l’herbe. La balle lui avait arraché la moitié du cou, la blessure était affreuse à voir, et mortelle.
    — Mais pansez-le ! hurla le témoin du colonel, comme le physiologiste observait sans rien faire Chevernoy dont les membres étaient secoués de convulsions.
    — Il ne vit plus, monsieur, expliqua le marquis. C’est une illusion... Un peu comme un canard sans tête.
    — C’est ridicule ! ricana d’une voix lamentable le plus jeune des officiers pris d’un rire irrépressible.
    C’était la première fois qu’il voyait un mort. Il dut aller se cacher derrière un arbre jusqu’à ce que sa crise lui soit passée.
    Ponceludon restait en place, droit, le pistolet pointant le sol.
    Enfin le colonel cessa de tressauter, et la cérémonie put retrouver toute sa dignité. Le maître de duel autorisa enfin Ponceludon à quitter sa place. Son témoin lui offrit une rasade de rhum, tandis que le maître de duel lui expliquait la conduite à tenir dans les semaines à venir. Sans doute, serait-il amené à témoigner devant le tribunal du point d’honneur présidé par le maréchal de Richelieu. Comme militaire, le colonel de Chevernoy était justiciable de cette juridiction byzantine, et la pension de sa famille, ainsi que ses décorations posthumes pouvaient dépendre de l’avis qu’émettrait cette instance. Les duels, bien qu’interdits par la loi, étaient obligatoires pour le point d’honneur ; le maréchal de Richelieu, arbitre de cette incompatibilité, donnait toujours sa faveur à ceux qui avaient lavé leur honneur.
    — Ma fille vous attend, souffla Bellegarde à l’oreille du jeune homme.
    Sans attendre, le marquis courut à la voiture où Mathilde, tremblante, attendait le résultat de la rencontre. Quand elle vit son père accourir vers elle, elle sut que Grégoire était vivant et laissa libre cours à ses larmes de bonheur.
    La comtesse de Blayac attendait, elle aussi en se mordant les lèvres d’angoisse depuis que Victor lui avait révélé l’intention de Ponceludon. Elle n’avait pas eu le courage de s’habiller, et restait en robe de chambre et en cheveux. Pour tromper l’attente, elle faisait des réussites. Enfin revint Victor, qu’elle avait envoyé aux nouvelles.
    — Le baron Ponceludon de Malavoy a tué M. de Chevernoy, annonça le factotum.
    Le soulagement détendit le visage de la comtesse.
    — Il... il
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