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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad
Autoren: Maurice Denuzière
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ou seront déportés.
     
    » Dans la situation où se trouve le pays, je crois de mon devoir de te mettre en garde en ce qui concerne les études de ton fils en France. Il y a, et il y aura, des changements à Polytechnique et aux Ponts et Chaussées. Le gouvernement voudrait en faire des pépinières de fonctionnaires, dont des politiciens ignares orienteront les projets et discuteront les initiatives. Certains des nôtres, comme Armand Rousseau ou Henri Varoy, ont choisi, depuis 1870, de faire une carrière politique. D'autres, comme Émile Cheysson, qui organisa la fabrication des farines pendant le siège de Paris en 1870, ont été récompensés par la direction d'une grande entreprise. Et puis il y a ceux, comme Ernest de Franqueville, brillant exécuteur de la politique ferroviaire de Napoléon III, qui, n'étant plus en cour, se retirent sous leur tente.
     
    » Pour ma part, je viens de refuser un poste de professeur d'hydrologie aux Ponts, car je n'ai plus envie de vivre dans un pays gouverné par Thiers. Nous allons vers un régime bourgeois, déjà soumis aux appétits des banquiers, des maîtres de forges et des armateurs. »
     
    Albert concluait en annonçant ses intentions.
     
    « Après avoir assisté, en 1869, à l'inauguration du canal de Suez – à deux pas de l'impératrice Eugénie, s'il te plaît ! –, j'ai décidé de continuer à travailler avec Ferdinand de Lesseps, un génie sans prétention. Il a été discrètement pressenti pour étudier le tracé d'un canal qui fera communiquer la mer des Caraïbes avec l'océan Pacifique. Il m'a aussitôt embauché. Je suis certain que mes voyages à Panama me donneront l'occasion de faire escale aux Bahamas. Si j'ai un conseil à te donner, pour l'instant, reste sur ton île. »
     
    La longue lettre de Fouquet, dix fois relue, emporta la décision de Charles. Puisque le régime dont il avait rêvé, pour lequel était mort son père, n'aurait sans doute de république que le nom, puisque Fouquet, le plus raisonnable de ses anciens condisciples, avait décidé de s'exiler, il resterait à Soledad et demanderait à Robert Lowell d'accueillir Pacal au Massachusetts Institute of Technology où il enseignait. Les Cornfield de Boston, qu'il ne connaissait pas encore, plus respectables et sans doute plus austères que ceux de New York, pourraient recevoir le petit-fils de lord Simon.
     
    Seul sur la galerie de Valmy, alors que le soleil déclinait, tandis que Pacal et la petite Anacona jouaient au volant sur le gazon, Charles, sincère avec lui-même, reconnut qu'il avait attendu, voire espéré les fortes raisons que lui donnait Fouquet de renoncer à la France. Cette décision prise, il se sentit libéré, plus à l'aise, prêt à envisager l'avenir avec intérêt. Comme il savait lord Simon secrètement tourmenté, depuis des mois, par une séparation annoncée, il estima loyal de ne pas laisser le vieil homme plus longtemps dans l'incertitude. Il appela Timbo, fit seller son cheval et prit, au trot, le chemin de Cornfield Manor, certain d'y arriver à l'heure où Pibia servait le whisky étendu d'une même quantité d'eau glacée.
     
    – Ne me dites pas que vous venez me faire déjà vos adieux ! Les journaux américains ne ménagent pas les encouragements et même les éloges à ce Thiers. Il a remis de l'ordre dans Paris, la Bourse monte, les affaires reprennent. De quoi vous satisfaire, non ? lança lord Simon, mordant.
     
    – Je viens vous dire que, si vous acceptez de me confier la construction du phare du Cabo del Diablo et d'autres travaux, je reste à Soledad.
     
    –  My God ! Rien ne pouvait me faire plus plaisir, Charles ! Nous allons continuer ensemble. Mais, pour Pacal... ? s'inquiéta aussitôt Simon Leonard.
     
    – Nous l'enverrons à Harvard, au Massachusetts Institute of Technology. Bob Lowell veillera à ce qu'il devienne un bon ingénieur. Il ne sera pas polytechnicien, bien sûr, mais, de nos jours, les ingénieurs américains sont très prisés.
     
    Mis en gaieté par la déclaration de Charles, lord Simon, en place du verre de whisky traditionnel, fit décanter par Pibia une bouteille de très vieux porto : celui de plus de vingt-cinq ans d'âge, qu'on servait pour célébrer l'anniversaire de la reine. Manière de donner à la décision de Charles valeur d'événement considérable. Les deux hommes vidèrent la carafe en croquant des biscuits au gingembre et en imaginant l'avenir.
     
    Charles
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