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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra
Autoren: Paul Bonnecarrère
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d’inaugurer, il serait souhaitable d’écarter l’intransigeance systématique de la logique militaire. »
    Les cinq Français revêtent leurs larges combinaisons et font jouer les fermetures Éclair en diagonale de l’entrejambe au cou. Ils se coiffent de leurs casques. La veille, Renault les a bricolés ; à l’aide de chatterton le caporal-chef a fixé à l’intérieur et à l’extérieur d’épaisses bandes de caoutchouc mousse.
    Le Wellington grisâtre se distingue à peine sur la piste. Il est 21 h 20. Tous les hommes du camp ont été consignés. Précédés par Appleyard, les cinq Français marchent en file indienne vers l’appareil. Un vent frais traverse leurs combinaisons de toile légère. Le silence qui pèse sur l’aérodrome endormi est éprouvant pour les nerfs ; seul Le Tac y semble insensible. Il s’arrête tranquillement pour pisser et rejoint le groupe au pied de l’échelle d’embarquement.
    Un technicien les aide à fixer leurs parachutes. Ce sont des Irving à ouverture automatique, une modification du modèle allemand. Les hommes ne sont pas munis de parachutes de secours.
    Un sergent de la Royal Air Force, véritable caricature du sous-officier britannique de carrière, flegmatique, impassible et consciencieux, passe les parachutistes en revue.
    Il est rassurant dans la sûreté de ses gestes. Lorsqu’après une dernière vérification il déclare : « Ça va aller, les gars, si Dieu et le roi le souhaitent, les pépins vont s’ouvrir tous les cinq », les Français se dérident, l’atmosphère s’allège.
    « Si le mien ne s’ouvre pas, je penserai à vous, sergent, plaisante Bergé. Au revoir et merci, j’espère très sincèrement vous rencontrer à nouveau.
    — Je vais avec vous, monsieur. Vous êtes sous ma responsabilité tant que vous n’aurez pas sauté. En cas de défection mécanique, je suis chargé de faire un rapport… »
    Ils sont assis par terre, les genoux à hauteur du menton. Le décollage a eu lieu à 21 h 31. Si tout va bien ils seront largués avant minuit. Au-dessus de la Manche, le bombardier établit une jonction avec une escadrille qui comprend une quinzaine d’appareils du même type. C’est l’escorte de diversion ; elle a pour mission un bombardement sur Brest durant lequel le Wellington des parachutistes s’échappera du groupe pour mettre le cap sur son objectif. Le Tac s’est allongé à l’écart, il dort paisiblement.
    S’adressant à Bergé, Petitlaurent remarque :
    « Il n’est pas fait comme moi, ce type ! Dormir dans un moment pareil, ça me dépasse.
    — Ni comme moi, approuve Bergé, mais je l’admire foutrement.
    — C’est de l’inconscience, mon capitaine, ce n’est pas tellement admirable.
    — Je ne pense pas, Petitlaurent, c’est une forme de fatalisme qui me semble très proche du courage pur. »
    Le Lac se réveille à la verticale de Brest. La D.C.A. allemande oblige le pilote à secouer brusquement l’appareil qui monte, descend, change de cap. Imperturbable, le sergent anglais arrive, porteur d’un plateau de thé ; il distribue aux parachutistes des boissons bouillantes. Le calme revient après quelques minutes. Bergé consulte sa montre : en principe, on devrait ouvrir la trappe, accrocher les parachutes. Le sergent réapparaît et se penche sur Bergé : « Le pilote vous réclame, monsieur. »
    Bergé gagne le poste de pilotage, il pose sa main sur l’épaule du commandant et s’approche pour crier au plus près de son oreille :
    « Quelque chose ne tourne pas rond ?
    — Nous nous sommes égarés. Le bombardement au-dessus de Brest nous a fait perdre notre cap, il ne m’est plus possible de déterminer votre point de largage avec précision. Je vais appeler Londres pour demander l’autorisation de vous ramener.
    — Quelle marge d’erreur prévoyez-vous ?
    — À vingt kilomètres près, je ne peux rien garantir.
    — N’appelez pas. Larguez-nous pour le mieux. Ce n’est pas la jungle birmane en bas, on se démerdera.
    — C’est du bricolage, je n’aime pas ça.
    — Ça revient au même, personne ne nous attend, c’est une question de chance.
    — C’est bon. D’accord, allez vous préparer. De toute façon, vous n’atterrirez pas très loin de votre objectif. »
    Le sergent ouvre la trappe et accroche les sangles. Les cinq Français sont assis en rond, les jambes dans le vide. Une lumière rouge s’est allumée, elle passe au vert à 23 h 41.
    Bergé se laisse happer par le vide.
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