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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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non plus que les dernières nouvelles
à échanger sur les déplacements de Mrs Shaw en Italie. L’intérêt des propos
tenus, la simplicité sans prétention qui régnait au presbytère et surtout la proximité
de Margaret contribuèrent à faire oublier à Mr Lennox la légère déception qu’il
avait éprouvée en constatant qu’elle n’avait dit que la stricte vérité lorsqu’elle
avait décrit la situation de son père comme étant très modeste.
    — Margaret, mon enfant, tu aurais pu nous cueillir des poires
pour le dessert, dit Mr Hale au moment où l’on plaçait sur la table une bouteille
de vin fraîchement décantée, un luxe en l’honneur de leur hôte.
    Mrs Hale fut embarrassée. La remarque laissait entendre
que les desserts étaient choses impromptues et inusitées au presbytère ; alors
que si Mr Hale s’était donné la peine de regarder derrière lui, il aurait vu
des biscuits, de la marmelade, etc., disposés comme il se devait sur le buffet.
Mais l’idée des poires avait pris possession de l’esprit de Mr Hale, et n’allait
pas se laisser balayer si aisément.
    — Il y a contre le mur du Sud quelques beurré-hardy qui
valent tous les fruits exotiques et conserves du monde. Cours, Margaret, et cueille-nous-en
quelques-unes.
    — Et si nous nous rendions au jardin pour les y manger ?
suggéra Mr Lennox. Rien n’égale le plaisir de mordre dans un fruit juteux et
ferme, encore tout chaud et parfumé de soleil. Le malheur, c’est que les guêpes
ont l’impudence de nous le disputer, ce plaisir, même à son comble.
    Il se leva comme s’il s’apprêtait à suivre Margaret, qui avait
disparu par la porte-fenêtre, n’attendant que la permission de Mrs Hale. Celle-ci
eût préféré terminer le déjeuner comme il convenait, en continuant à observer le
cérémonial qui y avait présidé sans heurt jusqu’alors, d’autant que Dixon et elle
avaient sorti les rince-doigts de la réserve afin de faire preuve de toute la bienséance
qu’on attendait de la sœur de la veuve du général Shaw ; mais Mr Hale
venait de se lever et se préparait à accompagner son hôte, aussi n’eut-elle d’autre
choix que de se soumettre.
    — Je vais m’armer d’un couteau, annonça Mr Hale ;
les jours où je mangeais un fruit de la façon primitive que vous décrivez sont pour
moi révolus. Pour l’apprécier, je dois d’abord le peler, puis le couper en quartiers.
    Margaret disposa les poires sur une feuille de betterave en guise
d’assiette, ce qui mettait admirablement en valeur leur couleur brun doré. Le regard
de Mr Lennox se posait plus longuement sur Margaret que sur les fruits ;
en revanche, Mr Hale, bien décidé à ne pas perdre une miette de ces instants
parfaits et joyeux volés à son anxiété, choisit avec délicatesse le meilleur fruit
et s’assit sur le banc du jardin pour le savourer à loisir. Margaret et
Mr Lennox longèrent la petite terrasse sous le mur orienté au Sud, où les abeilles
bourdonnaient toujours et continuaient à s’activer dans leurs ruches.
    — Quelle existence idéale vous semblez mener ici !
Jusqu’à présent, j’avais toujours éprouvé un certain mépris pour les poètes, qui
rêvent d’« une chaumière au pied d’une colline » et toutes choses du même
ordre, mais je dois reconnaître que la vérité, c’est que je n’ai jamais été qu’un
pur Londonien. En cet instant précis, j’ai le sentiment que vingt années d’études
juridiques acharnées seraient amplement récompensées par une seule année de la vie
délicieuse et sereine que l’on mène ici ! Ce ciel ! s’exclama-t-il en
levant les yeux, ces feuillages rouge et ambre, si totalement immobiles ! poursuivit-il
en désignant quelques grands arbres de la forêt qui entouraient le jardin comme
un nid.
    — Ah ! mais il vous faut vous souvenir que nos cieux
ne sont pas toujours d’un bleu aussi profond qu’aujourd’hui. Nous avons de la pluie
et nos feuilles tombent et s’imprègnent d’eau ; malgré tout, je trouve que
Helstone est l’un des endroits les plus parfaits au monde. Rappelez-vous le dédain
avec lequel vous avez accueilli la description que j’en avais faite un soir à Harley
Street, « un village de conte de fées ».
    — Du dédain, Margaret ! Le mot n’est-il pas excessif ?
    — Peut-être. Mais je sais que j’aurais aimé vous faire part
de ce dont mon cœur débordait à l’époque, et vous... comment dois-je
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