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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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    CHAPITRE
I
     
    Galop nuptial
     
     
     
    Courtisée,
épousée, etc. [1]
     
     
    — Edith ! murmura Margaret, Edith !
    Mais, ainsi que s’en doutait Margaret, Edith s’était
endormie. Pelotonnée sur le sofa dans le petit salon de Harley Street, elle
offrait un charmant spectacle avec sa robe de mousseline blanche et ses rubans
bleus. Si Titania [2] avait jamais été vêtue de mousseline blanche avec des rubans bleus et s’était
endormie sur un sofa de damas rouge, on aurait pu confondre Edith avec elle.
Margaret fut de nouveau frappée par la beauté de sa cousine. Elles avaient été
élevées ensemble depuis l’enfance, et tout le monde, sauf Margaret, s’était
extasié sur le joli visage d’Edith. Margaret n’y avait jamais prêté attention
jusqu’à ces derniers jours, où la perspective de perdre bientôt sa compagne
semblait rehausser toutes les qualités d’Edith et tous ses charmes. Elles
avaient parlé de robes de mariage et de cérémonies nuptiales ; du
capitaine Lennox et de ce qu’il avait raconté à Edith sur leur vie future à
Corfou [3] ,
où le régiment du capitaine était en garnison ; de la difficulté qu’il y
avait à ce qu’un piano reste bien accordé (ce qui, pour Edith, semblait être l’un
des plus redoutables soucis que la vie conjugale fût susceptible de lui
réserver), et des robes dont elle aurait besoin pour les visites à rendre en Écosse
aussitôt après son mariage. Mais le ton de la confidence s’était fait de plus en
plus somnolent et après quelques minutes de silence, Margaret s’était aperçue, comme
elle l’avait prévu, que malgré le brouhaha qui régnait dans la pièce voisine, Edith
s’était blottie sur le canapé, telle une boule moelleuse de mousseline, rubans et
boucles soyeuses, et s’était laissée aller à une paisible petite sieste.
    Margaret s’apprêtait à faire part à sa cousine de certains projets
ou rêves qu’elle caressait, concernant son existence future au presbytère de campagne
de ses parents, où elle avait toujours passé d’heureuses vacances, bien que ces
dix dernières années elle eût vécu pour ainsi dire chez elle dans la demeure de
sa tante Shaw. Mais faute d’interlocutrice, elle fut obligée de réfléchir en silence
au changement de sa vie, comme elle l’avait fait jusqu’alors. C’étaient des réflexions
agréables, malgré le regret qu’elle éprouvait à se séparer pour une période indéfinie
de sa douce tante et de sa chère cousine. Tandis qu’elle pensait au bonheur qu’elle
aurait à remplir le poste important de fille unique au presbytère de Helstone, les
propos échangés dans la pièce voisine arrivèrent par bribes à ses oreilles. Sa tante
Shaw s’adressait à cinq ou six visiteuses qui avaient dîné là et dont les maris
se trouvaient encore dans la salle à manger. C’étaient des familières de la maison,
des voisines que Mrs Shaw appelait des amies, car elle déjeunait avec elles
plus souvent qu’avec quiconque, et si Edith ou elle voulait leur demander quelque
chose, ou vice versa, elles ne se faisaient pas scrupule de se rendre visite, même
avant le déjeuner.
    Ces dames et leurs époux avaient été invités en qualité d’amis
à un repas d’adieu en l’honneur du prochain mariage d’Edith. Cette dernière avait
soulevé quelques objections, car le capitaine Lennox devait arriver par le train
tard dans la soirée ; mais bien qu’elle fût une enfant gâtée, elle était trop
insouciante et indolente pour se montrer très opiniâtre, et elle avait cédé en découvrant
que sa mère avait commandé à profusion les douceurs de la saison, dont l’efficacité
était réputée souveraine contre les excès de chagrin des dîners d’adieu. Elle s’était
contentée de s’adosser à sa chaise en mangeant du bout des lèvres, l’air grave et
absent, tandis que tous, autour d’elle, appréciaient les bons mots de Mr Grey,
le gentleman qui occupait invariablement le bout de la table aux déjeuners de
Mrs Shaw, et qui avait prié Edith de les régaler de musique au salon.
Mr Grey s’était montré particulièrement plaisant lors de ce dîner d’adieu,
si bien que les messieurs étaient restés en bas plus longtemps qu’à l’ordinaire,
ce qui, au demeurant, était une bonne chose, à en juger par les bribes de conversation
qui parvenaient jusqu’à Margaret.
    — J’ai trop souffert moi-même. Non que je n’aie
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