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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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appartenait pas. L’un est vide ;
les gardes forestiers le démoliront dès que l’occupant de l’autre mourra, le pauvre
vieux ! Regardez, le voilà. Il faut que j’aille le saluer. Il est tellement
sourd que vous entendrez tous nos secrets.
    Le vieil homme était debout devant sa maisonnette, appuyé sur
sa canne, tête nue au soleil. Un lent sourire détendit ses traits rigides lorsque
Margaret s’approcha pour lui parler. Mr Lennox se hâta de croquer les deux
personnages sur sa feuille et termina le paysage de façon à ce qu’il leur servît
d’arrière-plan – ce dont Margaret s’aperçut quand vint le moment de se lever, de
ranger godets et morceaux de papier, et de prendre connaissance de leurs esquisses
respectives. Elle se mit à rire, puis rougit sous l’œil observateur de Mr Lennox.
    — Oh, je trouve cela déloyal ! dit-elle. J’étais à
mille lieues de penser que vous nous preniez comme sujets, le vieil Isaac et moi,
quand vous m’avez priée de l’interroger sur l’origine de ces cottages.
    — C’était irrésistible. Vous n’imaginez pas combien la tentation
a été forte. J’ose à peine vous dire à quel point ce dessin me sera cher.
    Il n’était pas très sûr qu’elle eût entendu ces derniers mots
avant de s’éloigner pour laver sa palette au ruisseau. Elle revint les joues empourprées
mais l’air innocent, comme si de rien n’était. Il s’en réjouit, car la remarque
lui avait échappé, fait exceptionnel chez un homme qui préméditait ses actions aussi
soigneusement que lui.
    Le presbytère avait son aspect avenant habituel lorsqu’ils le
regagnèrent. Les nuages qui avaient obscurci le front de sa mère s’étaient dispersés
sous l’influence propice de deux carpes qu’un voisin était venu apporter fort opportunément.
Rentré de sa tournée matinale de visites, Mr Hale attendait son visiteur juste
devant la petite porte à claire-voie par laquelle on accédait au jardin. Malgré
son manteau quelque peu élimé et son chapeau fort usagé, il avait l’air d’un parfait
gentleman. Margaret était fière de son père ; elle éprouvait toujours un tendre
orgueil en observant l’impression favorable qu’il ne manquait pas de produire sur
ceux qui ne le connaissaient pas. Mais son œil perspicace scruta son visage et y
trouva les signes d’une contrariété inhabituelle, qui avait été mise de côté mais
non dissipée.
    Mr Hale demanda à voir leurs esquisses.
    — Je crois que tu as pris une teinte trop sombre pour ces
toits de chaume, non ? dit-il à Margaret en lui rendant la sienne.
    Il tendit alors la main vers celle de Mr Lennox, qui marqua
un bref instant d’hésitation avant de la lui montrer.
    — Non, papa, je ne crois pas. Les pluies ont fait beaucoup
foncer la joubarbe et le poivre des murailles. Vous ne trouvez pas ça ressemblant ?
s’enquit-elle en tendant le cou par-dessus son épaule tandis qu’il regardait les
personnages sur l’esquisse de Mr Lennox.
    — Si, si, très ressemblant. C’est tellement toi et ta façon
de te tenir ! Et le pauvre Isaac est parfaitement saisi, avec son long dos
voûté et raidi par les rhumatismes. Qu’est-ce là, pendu à la branche de l’arbre ?
Sûrement pas un nid d’oiseau !
    — Oh, non ! C’est mon chapeau. Je suis incapable de
dessiner avec mon chapeau : il me tient trop chaud. Je me demande si je saurais
dessiner des personnages. Il y a par ici tant de gens que j’aimerais croquer.
    — Je suis certain que si vous teniez vraiment à faire un
portrait ressemblant, vous y parviendriez, assura Mr Lennox. Je crois fort
au pouvoir de la volonté. J’estime avoir assez bien réussi le vôtre.
    Mr Hale les avait précédés dans la maison, tandis que Margaret
s’attardait à cueillir des roses afin d’en décorer sa robe pour le déjeuner.
    — Une Londonienne comprendrait le sens implicite de ces
réflexions, pensa Mr Lennox. Dans chacun des discours que lui tient un jeune
homme, elle serait à l’affût de l’arrière-pensée * flatteuse. Mais je ne crois
pas que Margaret... Attendez ! s’exclama-t-il, laissez-moi vous aider.
    Et il lui coupa quelques roses veloutées et cramoisies qui se
trouvaient trop haut pour elle ; puis, divisant son butin, il en garda deux
pour sa boutonnière et la laissa rentrer, ravie, pour arranger ses fleurs.
    Au déjeuner, la conversation fut paisible et agréable. Les questions
à poser de part et d’autre ne manquaient pas –
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