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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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Roland pourrit. Il est tendu, il conduit
comme un fou.
    De la terrasse de la Fondation, Sam apercevait la voiture de
Roland qui dérapait sur la route en terre battue, abordait la descente raide à
pleine vitesse, et s’engageait sur la route de Vence, après un bref – trop
court – temps d’arrêt.
    — Conduite suicidaire, commentait Yves. Conduite
fasciste, non ? (Il riait). Roland ne doit pas voter à gauche.
     
    Les Revelli venaient souvent chez Sam et Violette. On était
bien dans l’atelier. Sonia, Yves, Vincent s’installaient dehors sur la terrasse,
discutaient violemment entre eux. Nathalie, Alexandre et Violette restaient
dans l’atelier sous la loggia. Sam allait d’un groupe à l’autre, s’asseyant par
terre près des jeunes, se tournant vers Alexandre, criant :
    — Ton Mitterrand, tu sais que ta fille ne l’aime guère.
Trop modéré, social-démocrate, dit-elle, une gauchiste, notre petite Sonia.
    — Je ne vote pas ! hurlait Sonia. Je ne suis
qu’une irresponsable, n’est-ce pas papa ?
    Christiane, Sylvie, Gérard, Jeanne et Elsa venaient le
dimanche et tous montaient vers la Fondation par le chemin qu’avaient ouvert au
milieu des pins les bulldozers. Yves ou Vincent ou parfois Sam portaient Elsa
sur leurs épaules. On s’arrêtait. Entre les arbres on apercevait Saint-Paul,
les collines couvertes de brume. Nathalie prenait le bras de son mari.
    — Tu te souviens, disait-elle à Alexandre, ici nous
sommes venus un jour, nous habitions Saint-Paul depuis peu, Yves n’était pas né
encore, nous nous sommes promenés avec Jean Karenberg, tu parlais de ton père
(elle s’appuyait contre Alexandre) nous n’avons parlé que de nos pères.
    Elsa criait, trop haute sur les épaules d’Yves qui la
déposait sur le sol.
    Jeanne marchait près de Violette.
    — Tu n’as plus revu Roland ? demandait Violette à
voix basse. Tu vas bien ?
    Mais la question était superflue. Jeanne avait changé de
coiffure et les cheveux courts donnaient à son visage une forme ronde, une
expression rieuse. Quand Elsa se mettait à courir, Jeanne la poursuivait,
sautant les ornières.
    — Je suis le vieux, disait Sam arrivé aux limites du
chantier de la Fondation. (Il montrait les bâtiments.) Voici ma consécration et
ma dernière œuvre. Artiste honoré, artiste mort.
    Vincent s’approchait de Sam en faisant mine de le pousser
dans une tranchée. Sam réagissait avec vivacité, s’agrippant au fils de
Violette.
    — Tu es encore vivant, disait Vincent. (Il se
dégageait.) Mais quelque chose est vrai Sam, tu es devenu l’artiste officiel de
la V e République, artiste-serviteur.
    Il s’enfuyait sur le chemin pour échapper aux mottes que lui
lançait Sam, puis tout le monde regagnait l’atelier.
    Jeanne se tenait un peu à l’écart. Elsa, qui s’endormait et
qu’elle devait bercer, servait de prétexte à son silence. Elle pouvait
observer. Yves maigre, les yeux déjà profondément enfoncés dans les orbites,
les cheveux rares, était toujours à l’affût, incisif, jetant un mot, flammèche
vive, dans la conversation. Violette et Nathalie restaient assises l’une près
de l’autre, Nathalie le corps lourd mais le visage jeune, rêveuse, Violette
plus tendre, musclée, incapable de demeurer longtemps immobile, servant à
boire. Alexandre choisissait de s’asseoir à côté de sa fille, cette Sonia dont
l’ardeur et la désinvolture fascinaient Jeanne.
    — Mais oui tu t’es vendu, Sam, disait Sonia, à Malraux,
à de Gaulle, au régime. Vincent a raison.
    — Vous êtes des petits cons, répondait Sam.
    Il semblait impossible qu’il eût plus de soixante-dix ans.
Les avant-bras étaient noueux, la peau rouge à force de soleil, et la vieillesse
n’était marquée que par le gris des sourcils, les grimaces que Sam faisait
parfois en se levant.
    — De Gaulle (il désignait tour à tour Alexandre, Yves,
Christiane, Gérard, s’interrompait, marchait vers Sonia) et toi ma petite
gourde, de Gaulle vous le regretterez comme le dernier moment d’une histoire
encore humaine. Après, ce sera le règne des médiocres, des petits Florentins ou
de vos technocrates. Toi (il s’asseyait près de Christiane) tu devrais
comprendre, de Gaulle c’est la littérature, l’esthétique au pouvoir.
    Ils haussaient le ton, Yves donnait le signal du départ.
    — De toute manière, la politique… Venez dans un
hôpital, vous l’oublierez.
    Ils bavardaient encore sous les platanes sur
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