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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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la place,
Gérard portait. Elsa jusqu’à la voiture de Sylvie, Christiane s’éloignait avec
lui et Jeanne, tenant Elsa serrée contre elle, somnolait cependant que Sylvie
conduisait lentement.
     
    Jours nouveaux pour Jeanne, rencontres étonnantes. Quand
Jeanne couchait Elsa après l’une de ces visites à Saint-Paul, elle restait
assise au bord du lit alors que sa fille déjà dormait.
    Jeanne venait d’un monde de pesanteur ; l’argent, le
travail avaient englué sa vie, celle de Roland : « Il me faut… »,
disait Roland. Elle le sentait étreint par cette nécessité qu’il s’imposait,
qui peu à peu, comme on dit d’une pièce de métal qu’on martèle, changeait son
âme.
    Dante Revelli, Denise étaient soumis aux mêmes lois, et les
parents de Jeanne – si peu qu’elle se souvenait d’eux – la tante qui
l’avait élevée, chaque jour en revenant du marché, posaient sur la table le
porte-monnaie. « Il faut que je calcule », disaient-ils.
    Assise sur le lit, et Elsa s’était rapprochée de sa mère,
Jeanne repensait aux propos de Sam ou d’Yves, d’Alexandre ou de Violette.
    Berwin, un écrivain voisin de Sam, Servet l’acteur, étaient
passés prendre un verre avant de retourner à La Colombe d’or, où on les
voyait attendant de dîner, le dos contre la façade tiédie par le soleil. Ils ne
paraissaient vivre que d’interrogations ou d’indignations. Le marécage de la
vie quotidienne, ils l’avaient traversé, oublié et Jeanne regardait Elsa dans
la pénombre pour s’accrocher à la réalité, ne pas se laisser duper. Elle devait
compter, compter des billets et non pas seulement les idées justes ou fausses.
     
    Jeanne avait appris qu’on ne prête jamais longtemps, qu’il
lui faudrait vite pouvoir se passer de tous pour ne pas dépendre d’eux et à ce
moment-là, à ce moment-là seulement, ils deviendraient des amis. Elle n’aimait
plus Roland, mais comprenait mieux son désir de conquête, son excessive volonté
de réussite.
    Roland, seulement, à trop regarder le but, perdait la route.
    Jeanne embrassait Elsa. Pour sa fille aussi il fallait
qu’elle n’oublie jamais de compter.
    Jeanne accepta de travailler pour Sam Lasky, à l’atelier
d’abord, puis à la Fondation.
    Elle vit ainsi souvent Vincent, le fils de Violette, un
homme jeune, plus jeune que Jeanne – elle l’avait su très vite –, aux
longs cheveux hirsutes, aux traits vigoureux, à la démarche un peu lourde.
    Dans la salle de projection de la Fondation, il organisait
des débats autour des films de court métrage qu’il avait tournés, et Jeanne se
passionnait pour ces scènes dépouillées, un visage en gros plan, un regard, une
bouche et la confidence ainsi qui éclatait, voix sans apprêt de clochards ou
d’étudiants, de prêtres ou de combattants du Viêt-Nam, toute une sociologie
vivante que Vincent rapportait à chacune de ses enquêtes.
    Après la projection, alors que s’éloignaient dans la pinède
les derniers spectateurs, Vincent restait près de Jeanne, la tête rentrée dans
les épaules, avec une maladresse dans les mouvements et le choix des mots, un
bégaiement parfois qui émouvait Jeanne, une timidité qu’elle percevait si forte
qu’elle avait envie de rire, pour entraîner Vincent près d’elle dans une gaieté
commune.
    Elle se souvenait de sa rencontre avec Roland, de la manière
dont il l’avait saisie aux épaules, embrassée avec une résolution qui l’avait
surprise parce qu’elle avait souhaité de la tendresse.
    Maintenant, elle allait prendre l’initiative. Vincent se
contenterait toujours de lui expliquer comment dans les résidences
universitaires de Nanterre il avait réussi à interviewer des gauchistes, des
exaltés, disait-il.
    — Vous avez vu La Chinoise de Godard ?
    Jeanne lui saisissait la main, s’approchait de son visage et
elle ne savait plus qui faisait le dernier mouvement pour que leurs lèvres se
rencontrent.
     
    Jeanne ainsi découvrit le corps de l’homme. Car ce n’est pas
le connaître qu’en sentir seulement le poids.
    Roland s’était toujours refusé aux abandons. Il se
dégageait, se cambrait quand elle voulait embrasser sa poitrine et Jeanne
s’était réduite à la passivité.
    Enfin, elle pouvait inventer un corps, savoir l’aine et la
cuisse, l’aisselle et la taille. Il lui semblait que ce corps de Vincent
qu’elle dessinait de ses lèvres ou de ses doigts transformait le sien, qu’elle
était davantage
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