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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
Autoren: Max Gallo
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à ma situation et à ma mort.
    Il faut qu’elle sache, que mon fils apprenne comment j’ai vécu ici. Comment je suis mort .
     
    Il retient Antommarchi.
    — Les vomissements qui se succèdent presque sans interruption, dit-il, me font penser que l’estomac est celui de mes organes qui est le plus malade, et je ne suis pas éloigné de croire qu’il est atteint de la lésion qui conduisit mon père au tombeau, je veux dire d’un squirre au pylore…
    Apprendre, savoir ; ne rien laisser dans l’ombre, mais faire jaillir la lumière sur chaque chose, et même sur cette mort qui me ronge et que j’appelle : tout connaître, tout comprendre, voilà ce que j’ai toujours voulu .
     
    Il parle d’une voix affaiblie.
    — Quand je serai mort, dit-il à ses proches, chacun de vous aura la douce consolation de retourner en France. Vous reverrez les uns vos parents, les autres vos amis, et moi je retrouverai mes braves aux Champs Élysées.
    Il sourit.
    — En me voyant, ils redeviendront tous fous d’enthousiasme et de gloire. Nous causerons de nos guerres avec les Scipion, les Hannibal, les César, les Frédéric. Il y aura plaisir à cela…
    Il a un rire bref.
    — À moins qu’on n’ait peur là-bas de voir tant de guerriers ensemble.
     
    C’est le jeudi 3 mai 1821.
    Il est secoué des heures durant par le hoquet. Il dit en ce début d’après-midi, en tournant la tête vers les proches qui se sont rassemblés dans le salon où l’on a transporté le lit :
    — Vous avez partagé mon exil, vous serez fidèles à ma mémoire, vous ne ferez rien qui puisse la blesser.
    Puis il se tourne vers Montholon.
    — Eh bien, mon fils, ne serait-ce pas dommage de ne pas mourir après avoir si bien mis en ordre ses affaires ?

39.
    Cette douleur qui ne cesse pas au centre du corps le taraude.
    Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, murmure-t-il.
    Il s’enfonce dans la nuit puis se réveille.
    Ce liquide qu’on lui verse dans la bouche, sucré, l’apaise.
    — C’est bon, c’est bien bon.
    Mais cela, qu’est-ce ? Il reconnaît la couleur, il veut écarter le verre. Le bras retombe. Il doit avaler le calomel.
    — Coquin de Marchand, dit-il à son valet.
    On le frictionne.
    — Quel résultat de la science ! Belle consultation ! Laver les reins avec de l’eau de Cologne !
    Il ferme les yeux. Où est-il ?
    C’est la nuit du vendredi 4 au samedi 5 mai 1821.
    Il gémit, le visage crispé.
    — Comment s’appelle mon fils ?
    Il serre la main de Marchand qui répond : « Napoléon. »
    Il est deux heures du matin. Il entrouvre les yeux, il remue les lèvres.
    — Qui recule, dit-il.
    Il va vomir, tout son corps se cambre. Il veut parler. Un râle encombre sa gorge, et deux mots surgissent, comme des récifs recouverts par la respiration rauque :
    — Tête, armée.
    La mort vient plus tard, à dix-sept heures quarante-neuf, ce samedi 5 mai 1821.
     
    « La mort n’est rien », avait-il dit, le 12 décembre 1804, dans le soleil de sa puissance.
    « Mais vivre vaincu et sans gloire, avait-il ajouté, c’est mourir tous les jours. »
    Il vit encore.
     
    Athènes, le 3 janvier 1997 .
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