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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
Autoren: Max Gallo
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prompte et facile ; elle distingue à l’instant même ceux qui travaillent pour elle ou contre elle ; mais il faut toujours parler à ses sens, sinon son esprit inquiet la ronge ; elle fermente et s’emporte. »
    Il s’arrête. La sueur l’a recouvert. Mais il interdit à Montholon d’approcher. Il veut poursuivre.
    « Le peuple français a deux passions également puissantes qui paraissent opposées et qui cependant dérivent du même sentiment, c’est l’amour de l’égalité et des distinctions. Un gouvernement ne peut satisfaire à ces deux besoins que par une excessive justice…
    « Que mon fils lise et médite souvent l’Histoire, c’est là la seule véritable philosophie… Mais tout ce qu’il apprendra lui servira peu s’il n’a pas au fond du coeur ce feu sacré, cet amour du bien qui seul fait les grandes choses.
    « Mais je veux espérer qu’il sera digne de sa destinée. »
    Il s’effondre. Il vomit.
     
    Il a encore à dire. Il veut que tout ce qu’il possède soit réparti avec exactitude. Chaque bien est comme une unité sur un champ de bataille, chaque disposition testamentaire est un signe, un commandement, comme pour une manoeuvre. C’est ma dernière bataille .
    Il dicte, écrit. Son fils, le comte Léon, doit être doté. Il serait bien qu’il entre dans la magistrature. Il désire que son second fils adultérin « Alexandre Walewski soit attiré au service de la France dans l’armée ». Qu’on n’oublie pas le fils ou le petit-fils du baron du Theil, lieutenant général d’artillerie qui fut si généreux avec moi à Auxonne.
    Mais qu’on n’oublie pas aussi l’Angleterre !
    Il dit au docteur Arnott :
    — Il n’y a pas eu une indignité, une horreur, dont vous, les Anglais, ne vous soyez fait une joie de m’abreuver. Les plus simples communications de famille ; celles mêmes qu’on n’a jamais interdites à personne, vous me les avez refusées. Ma femme, mon fils n’ont plus vécu pour moi ! Vous m’avez tenu six ans dans la torture et le secret. Il m’a fallu me renfermer entre quatre cloisons dans un air malsain, moi qui parcourais à cheval toute l’Europe !
    Ce goût amer dans sa bouche, c’est le mépris pour l’Angleterre oligarchique et le sang noir de la maladie.
    — Vous m’avez assassiné, longuement, en détail, avec préméditation, et l’infâme Hudson a été l’exécuteur des hautes oeuvres de vos ministres.
    Il se tourne. Il vomit.
    — Vous finirez comme la superbe République de Venise, dit-il encore, et moi, mourant sur cet affreux rocher, privé des miens et manquant de tout, je lègue l’opprobre et l’horreur de ma mort à la famille régnante d’Angleterre.
     
    Ce sont les derniers jours.
    Le hoquet lui déchire les entrailles.
    Il appelle Montholon. Il veut dicter la lettre à adresser à cette hyène de Hudson Lowe le moment venu. Il parle d’une voix tout à coup redevenue claire.
    « Monsieur le gouverneur, l’Empereur est mort le… à la suite d’une longue et pénible maladie. J’ai l’honneur de vous en faire part. »
    Ce sera tout.
    Il vomit. Marchand lui donne à boire.
    L’eau est fraîche.
    — Si l’on proscrit mon cadavre, dit-il, comme on a proscrit ma personne, eh bien, qu’on m’ensevelisse là où coule cette eau, si douce et si pure.
    Il se souvient de ce lieu ombragé par trois saules, et situé au-dessous du cottage de Hut’s Gate où habitent les Bertrand. De là on découvre la mer. Et il avait bu de l’eau de la fontaine qui coule dans ce creux solitaire. « Si, après ma mort, avait-il dit, mon corps reste entre les mains de mes ennemis, vous le déposerez ici. »
     
    Il demande d’un geste qu’on fasse rentrer Antommarchi.
    C’est le samedi 28 avril.
    Il attend que le hoquet se soit un peu apaisé. Il dévisage Antommarchi. Il faut bien en passer par ce dottoraccio .
    — Après ma mort, dit-il, qui ne peut être éloignée, je veux que vous fassiez l’ouverture de mon cadavre ; je veux aussi, j’exige, que vous me promettiez qu’aucun médecin anglais ne portera la main sur moi.
    Il s’interrompt. Le docteur Arnott pourra cependant aider Antommarchi.
    Il ferme les yeux.
    — Je souhaite encore, continue-t-il, que vous preniez mon coeur, que vous le mettiez dans l’esprit-de-vin, et que vous le portiez à Parme à ma chère Marie-Louise, vous lui direz que je l’ai tendrement aimée, vous lui raconterez tout ce que vous avez vu, tout ce qui se rapporte
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