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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
Autoren: Max Gallo
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vertiges.
    — La seule chose à craindre, dit-il, est que les Anglais ne veuillent garder mon cadavre et le mettre à Westminster.
    Il s’arrête.
    — Mais qu’on les force à le rendre à la France. Après m’avoir assassiné, c’est le moins qu’on rende mes cendres à la France, la seule patrie que j’aie aimée, et où je désire être enterré.
    Il se plie en deux. Il vomit.
    — L’immortalité…, commence-t-il en s’allongeant précautionneusement sur son lit, dans la chambre plongée dans la pénombre.
    Il geint. On entend le piétinement des rats sur le parquet.
    — L’immortalité, reprend-il, c’est le souvenir laissé dans la mémoire des hommes. Cette idée porte aux grandes choses. Mieux vaudrait ne pas avoir vécu que de ne pas laisser de traces de son existence.
     
    Il somnole. Tout à coup, il se redresse, vomit. Il refuse d’abord ce médicament qu’on lui présente. Qu’est-ce ? Mixture d’opium, de quinine, infusion de cannelle, calomel, ce remède à base de mercure.
    Il a une grimace de dégoût.
    — C’est une chose inouïe que l’aversion que je porte aux médicaments, murmure-t-il. Je courais les dangers avec indifférence. Je voyais ma mort sans émotion. Et je ne peux, quelque effort que je fasse, approcher de mes lèvres un vase qui renferme la plus légère préparation.
    Sa tête retombe. Il est épuisé. Il avale.
    —  Quod scriptum, scriptum , murmure-t-il. Douteriez-vous, docteur, que tout ce qui arrive est écrit, que notre heure est marquée ?
    Il ouvre les yeux.
    — Une comète, dit-il en s’efforçant de lever le bras pour montrer le ciel, ce fut le signe précurseur de la mort de César.

38.
    Il est en sueur. On le change une nouvelle fois.
    — Ne me brutalisez pas, dit-il en se dégageant des mains de Marchand et de Montholon.
    Il vomit. Il sent dans sa bouche cette amertume, cette impression de terre noire, et c’est cette couleur-là qui tache le gilet, les draps.
    Le docteur Arnott lui répète que son état n’est pas désespéré.
    — Docteur, vous ne dites pas la vérité. Vous avez tort de vouloir me cacher ma position, je la connais.
    Arnott lui tend des pilules purgatives.
    Pour qui le prend-on ?
    — Ma machine est un peu comme les éléphants, on les mène avec une ficelle et on ne peut les conduire avec une corde.
    Il s’assoit, se redresse tout à coup. On est le vendredi 13 avril 1821. Il n’est que temps, murmure-t-il. Il doit dicter son testament. Il appelle Montholon.
    — Je vais mieux aujourd’hui, dit-il, mais ma fin est proche. Il fait un signe : que Montholon s’installe là, au pied du lit, qu’il note.
    « Je meurs dans la religion apostolique et romaine dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans. »
    Il s’interrompt, tousse, murmure :
    — Dans la réalité, je meurs théiste, croyant à un Dieu rémunérateur et principe de toutes choses ; mais je déclare mourir dans la religion catholique parce que je crois cela convenable à la moralité publique.
    Sa tête s’affaisse. Il vomit des glaires noires. Il murmure :
    — Je suis né dans la religion catholique, je veux remplir les devoirs qu’elle impose et recevoir les secours qu’elle administre. Il appelle l’abbé Vignali.
    — Savez-vous ce qu’est une chapelle ardente ? demande-t-il d’une voix calme.
    — Oui, Sire.
    — Eh bien, vous desservirez la mienne lorsque je serai à l’agonie ; vous ferez dresser un autel dans la pièce voisine et vous exposerez le saint-sacrement, et vous direz les prières des agonisants.
    Il se tourne vers le docteur Antommarchi qui a esquissé un sourire.
    — Vos sottises me fatiguent, monsieur, je puis bien pardonner votre légèreté et votre manque de savoir-vivre, mais un manque de coeur, jamais ; retirez-vous.
    Il a du mal à reprendre son souffle. Il veut être seul avec Mon tholon. Il recommence à dicter.
    « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.
    « J’ai toujours eu à me louer de ma très chère épouse Marie-Louise, je lui conserve jusqu’au dernier moment les plus tendres sentiments. Je la prie de veiller pour garantir mon fils des embûches qui environnent encore son enfance. »
    Il se tourne difficilement vers la cheminée, tend la main vers le buste du roi de Rome, puis continue.
    « Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est français, et de ne jamais se
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