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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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de Barsac ? Eh bien, pars ! Mais je te préviens : du jour où tu auras quitté Sarlat, je reprendrai ma liberté. Je ne peux supporter l’idée d’une absence qui peut durer des mois, peut-être des années.
    – Tu as tort de prendre cette affaire au tragique, ma chérie. J’aurai des permissions, je t’écrirai…
    – Sornettes ! Tu m’auras vite oubliée. Je me souviens de ce que François raconte à qui veut l’entendre de la vie de garnison à Paris, des bonnes fortunes que lui ont values son uniforme et ses galons ! J’ai promis de t’être fidèle. Eh bien, j’y renonce. Je te souhaite une brillante carrière.
    Elle m’embrassa sur la joue, monta dans sa carriole et disparut sans me faire un dernier signe.

    Une surprise m’attendait au ministère de la Guerre où, comme j’en avais l’obligation, je me présentai dès monarrivée : le sergent François Fournier avait demandé et obtenu son départ de Sarlat pour des fonctions moins triviales dans la garde dite « constitutionnelle » chargée par l’Assemblée législative de protéger la famille royale. Elle était constituée de cavaliers et de grenadiers portés sur la liste civile du roi.
    J’appris en outre que cette unité était composée de provinciaux, à raison de deux ou trois par département, selon l’importance de la population. Pour la Dordogne, le choix s’était porté sur le sergent François Fournier et, pour le seconder, sur votre serviteur !
    C’est ce qu’il m’annonça, une semaine après mon arrivée, en posant ses mains sur mes épaules, avec un sourire empreint de gravité.
    – Je suis intervenu personnellement auprès des autorités périgourdines. Ces messieurs avaient leurs chouchous. Je leur ai fait comprendre que mes relations avec le ministère (elles sont minces comme tu t’en doutes !) me donnaient voix au chapitre, et j’ai enlevé le morceau ! Que dis-tu de ce tour de passe-passe, sergent de Barsac ?
    Je ne pus rien en dire, sinon un vague « merci ». La gorge nouée, les jambes flageolantes, je finis par bredouiller en me laissant tomber sur un escabeau :
    – Cette promotion… elle me dépasse… En suis-je digne ? Comment te témoigner ma reconnaissance ?
    Il éclata de rire.
    – Ça te coûtera un repas au Procope, ce soir, si tu es libre.
    Je l’étais. Le dîner, dans ce prestigieux restaurant, nous changea des ragoûts du Tapis vert et creusa un gouffre dans ma bourse, mais je n’eus pas à le regretter.

    Nous fûmes affectés, Fournier et moi, à la compagnie de cavalerie de Saint-Didier, avec des sujets d’exception tel que Joachim Murat, issu d’une famille d’aubergistes du Quercymais grand sabreur. Nous n’eûmes guère de mal à gagner son amitié, d’autant que nous partagions la même aversion pour ce milieu composé pour une grande part de royalistes arrogants.
    Revenu de ses illusions, Fournier fulminait :
    – Que faisons-nous dans cette galère ? Tous ces hobereaux qui nous méprisent ne doivent cette faveur qu’à leur titre de noblesse. J’ai dans l’idée qu’ils méditent quelque complot.
    Il me confia sa décision de demander son congé et de se faire incorporer à la ligne.
    – Tu devrais faire de même, me dit-il. Nous n’avons rien à foutre au milieu de ces talons rouges qui font litière de la Révolution ! Réfléchis à ma proposition et courons ensemble aux frontières. Murat sera des nôtres, j’en suis convaincu.

    Nous menions dans la capitale une vie non dépourvue d’agrément, passant de restaurants en cabarets, des séances aux Jacobins ou aux Cordeliers aux bordels, plastronnant sur nos montures richement harnachées dans les parages des Tuileries et du palais royal. Au cours des réunions patriotiques ouvertes à la populace, Fournier se distinguait par ses interventions tonitruantes qui risquaient de lui valoir un licenciement ou la prison.

    Un matin de l’année 1792, il me pria de l’accompagner aux bureaux du ministère de la Guerre pour demander notre transfert. Il y avait rencontré un fonctionnaire originaire de Bergerac, Delvert, qui partageait discrètement ses opinions.
    – Je refuse, déclara François, de rester plus longtemps dans cette officine de comploteurs royalistes qu’est la garde du roi ! Ça finirait mal. J’ai failli me battre avec notre capitaine. Il a refusé, arguant qu’il ne pouvait faire cet honneur à un croquant ! Il faut que tu nous aides à passer dans la
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