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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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assisté, le 14 juillet, à la fête de la Fédération qui avait rassemblé quatre cent mille personnes sur le Champ-de-Mars. Il avait assisté à la messe dite à cette occasion par l’évêque d’Autun, M gr  de Talleyrand, au son des fanfares militaires.
    Il écrivait :
    Nous avons versé des larmes lorsque le roi a prononcé son serment de fidélité à la nation et que la reine a montré le dauphin à la foule en délire… Je me suis surpris à crier « Vive le roi, la reine et le dauphin ! ». Je me porte comme la tour de Vésone de Périgueux et vous en donnerai bientôt la preuve, ma chère maman. J’attends la confirmation d’un congé pour revenir à Sarlat.
    Un matin, pendant que j’épluchais des patates au quartier de la garde, la rumeur m’apprit que François avait regagné ses pénates au cours de la nuit, avec le détachement qui l’avait suivi à la capitale.
    Dès que cela me fut possible, je revêtis mon uniforme et me précipitai au Tapis vert. Déjà un groupe s’était formé autour de lui, alors qu’il attaquait la frotte à l’ail de sondéjeuner devant un grand bol de café noir. En m’apercevant, il s’écria :
    – Antoine ! heureux de ta visite. Approche un peu que je te voie. L’uniforme de la garde te va foutrement bien. Je suppose que c’est ta compagne qui te l’a confectionné…
    Il éclata de rire, et toute l’assistance avec lui, à ma grande confusion. J’allais me retirer, ma dignité froissée, quand il me lança :
    – Je dois passer la matinée à présenter mon rapport au capitaine. Passe me voir au mess en début d’après-midi. J’ai des choses à te dire.

    Il était en train de fumer sa pipe devant une tasse de café en regardant d’un œil méditatif des merles picorer des miettes sur le bord de la fenêtre. Il m’invita à m’asseoir près de lui, me versa une tasse de café et poussa vers moi sa blague à tabac et son briquet ; je bourrai ma petite pipe en terre et l’écoutai me parler de son séjour dans la capitale, avec une gravité qui me surprit.
    – Je viens de faire au capitaine Moreau, me dit-il, un rapport enthousiaste de ma mission, mais, à toi, mon ami, je peux dire le fond de ma pensée. La garde nationale, quelle déception ! Je m’attendais à voir La Fayette à la tête d’une véritable armée. Ah ! macarel de Diou… Je n’ai vu que des fils de bourgeois, un ramassis de gandins qui se prennent pour des matamores et pratiquent l’exercice comme on va au bal. Le jour où ils se trouveront face à l’ennemi, je ne donnerai pas cher de leur peau. Ils ont de beaux uniformes mais, en dedans, c’est de la viande molle !
    – Peut-être faudrait-il leur laisser le temps de s’adapter à la discipline…
    – La discipline ? Ils s’en foutent comme de leur première culotte ! Ils tiennent tête à leurs officiers et considèrent comme une déchéance la corvée de patates ou le balayage de la chambrée. Et ils se prétendent « enfants du peuple » !
    Il vida sa tasse de café et bourra sa pipe avant d’ajouter :
    – Voilà pour le pire. J’ai eu heureusement des compensations, et tu peux deviner lesquelles ! Par chance, ma chère mère m’avait doté d’un généreux pécule, ce qui m’a permis de brûler la vie par les deux bouts durant cette quinzaine. Parole ! chaque nuit une fille ou une dame dans mon lit, et pas des mercenaires ! Il suffit de faire briller tes épaulettes et la poignée de ton sabre pour que ces alouettes tombent à tes pieds.
    Il se leva, se posta devant la fenêtre, amusé, semblait-il, par le manège des merles, et poursuivit :
    – Ma place n’est plus dans la garde nationale, Antoine. Ces soldats de plomb sont tout juste bons pour la parade, et encore ! J’ai décidé de me faire transférer dans une troupe de ligne, dans la cavalerie, et de me rendre aux frontières, en Vendée ou dans le sud du pays, là où les légitimistes se réveillent. J’ai envie de me battre et ça me donne des nuits blanches.
    Il s’assit en face de moi et poursuivit :
    – Sur le chemin du retour, à Issoudun, mon détachement a croisé un escadron de chasseurs à cheval qui revenait de la Provence, où ça chauffe. J’ai pu admirer leur belle allure, leur bonne humeur et leurs montures. Celle du lieutenant était, à ce qu’il m’a dit, une jument d’Ukraine à la crinière abondante et avec des balzanes, qui m’a tapé dans l’œil. Quand j’ai proposé de
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