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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare
Autoren: Jean Markale
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mon approche de Montségur était entourée d’une
atmosphère mythologique particulièrement complexe où se mêlaient des éléments
proprement cathares, des sous-entendus germaniques et des réalités celtiques. Sans
aller jusqu’aux ultimes exaspérations de l’imaginaire, il m’était permis de me
poser des questions et de vouloir essayer d’y répondre.
    Nous arrivâmes par la route qui passe à Montferrier, tournoyant
au gré des contreforts des Monts d’Olmes. Plus loin, là-bas, sur un sommet
parmi tant d’autres, il y avait des ruines. Mais étaient-ce vraiment des ruines ?
Dans ce pays où les roches éclatent sous le gel de l’hiver et sous le soleil
brûlant de l’été, on ne sait plus si ce qu’on voit est dû à la destruction des
hommes, à celle du temps ou d’une nature toujours en mouvement. La terre est
crénelée, comme pour se défendre des invasions qui viennent d’ailleurs. Mais
les gardiens, ceux qui autrefois assuraient des rondes sur ces lignes
inextricables de fortifications, ceux-là ont maintenant disparu. Et des routes
violent aujourd’hui le flanc des montagnes, à travers les bois de sapins, les
étendues rases où ne surgissent que des buis dont le vert se confond parfois
avec la couleur des pierres délavées. La végétation est étrange parce qu’elle tient
à la fois de la montagne et des garrigues. J’y retrouvais cependant quelque
chose de familier : cette même dimension qu’offrent certaines landes de
Bretagne, à l’écart du monde humain, et comme hantées par le souvenir des
habitants mystérieux, surnaturels, qui les avaient ravagées autrefois. En Bretagne,
les landes sont le domaine des Korrigans, de ces êtres nocturnes qui égarent
les voyageurs quand ceux-ci n’ont pas le signe de reconnaissance qui leur
permet de franchir les zones interdites. Qu’en était-il ici ? Qui donc se
cachait derrière les buissons, guettant un signe de ma part pour m’accepter ou
me rejeter ?
    Nous arrivâmes ainsi sous le pog .
Vu d’en bas, il prenait une allure fantastique que je n’avais pas espérée. Il
était plus grand, plus haut, plus inaccessible que ce que j’avais pu en voir, sur
des photos ou des gravures. Encore plus farouche dans son site même que cadré
habilement par les cinéastes qui l’avaient filmé pour ce générique qui m’avait
tant impressionné. Alors, j’étais prêt. Il me fallait m’élancer vers le sommet,
car c’est là que je trouverais la lumière.
    Je crois que je n’ai jamais grimpé si vite, ni avec tant d’aisance,
le flanc d’une montagne. Les pierres avaient beau rouler sous mes pas, l’herbe
se dérober sous mes semelles, je montais, je montais. Je pensais à cet épisode
de La Fin de Satan de Victor Hugo, où le poète
met en scène le chasseur Nemrod s’envolant dans le ciel dans une cage
construite avec les débris de l’Arche de Noé et tirée par quatre aigles. Et les
aigles montaient… Pourquoi pensais-je ainsi aux aigles ? Dire que
Montségur est un nid d’aigle est un lieu commun d’une effarante banalité :
évidemment que cette forteresse perchée sur un piton est un nid d’aigle. Et
alors ? Les aigles montent plus haut que là où peuvent aller les hommes
dans leur tentative pour arracher au Ciel ses secrets.
    C’est ainsi que j’atteignis les murailles. Sans réfléchir
davantage, je les franchis par la porte du sud, ayant seulement remarqué, sous
la dalle qui sert de seuil, une bizarre figure en forme de pentagramme, maladroitement
tressée avec une petite branche souple. Après tout, pourquoi pas ? Je m’étais
laissé dire que le pentagramme était un symbole d’usage courant chez les
Cathares : il fallait bien que les visiteurs de ce haut lieu accomplissent
un geste symbolique pour pénétrer dans le « saint des saints ». En
passant la nuit sur une lande bretonne, il faut porter à la main un bâton fourchu
pour conjurer les Korrigans. À Montségur, le rameau d’or pouvait très bien être une forme pentagonale. Je ne devais m’étonner de rien.
    À l’intérieur des murs, le vent soufflait, comme furieux de
mon intrusion. Je l’entendais gémir le long des remparts, cherchant à pénétrer
les moindres orifices, les moindres recoins d’ombre. Où étais-je donc ?
    À vrai dire, j’ai eu le sentiment de me trouver dans une prison
située entre ciel et terre. J’eus très peur de ne plus pouvoir en sortir et d’être
obligé d’y rester pour toute l’éternité.
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