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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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semble que l’enfant qu’elle porte, qu’elle s’obstine à appeler Petrouchka, lui prend toutes ses forces. Il fait très chaud en ce début du mois de mai. Cette chaleur estivale accentue sa fatigue.
    Mais Wia, de retour, lui désigne la fenêtre du wagon où s’encadrent Mistou et sa belle-mère. Celles-ci agitent leurs mains, envoient des baisers. Claire est alors frappée par la jeunesse triomphante de l’une et par la lassitude résignée de l’autre.
    — Comme ta mère a l’air triste, dit-elle.
    Wia a posé un bras protecteur autour de ses épaules. Il la guide fermement vers la sortie en prenant soin que personne ne les heurte.
    — J’espère que ton père l’attend à la gare de l’Est et qu’il lui fera fête, insiste Claire.
    — Mon père a sa vie, je ne suis pas sûr qu’il sera là.
    — Comment ça ?
    — Les chevaux, les courses, les amis, les femmes, est-ce que je sais, moi... Après tant d’années de mariage...
    Malgré la chaleur, Claire, brusquement, se sent glacée. La cruauté des propos de Wia, le naturel avec lequel il les a tenus, l’horrifient. En quelques secondes, elle entrevoit leur avenir, un avenir si sombre qu’elle est sur le point de se trouver mal. Wia qui la sent défaillir resserre son étreinte et l’embrasse tendrement sur le front. « C’est leur vie. La mienne avec Wia n’aura rien à voir », décide alors Claire.
     
    La fenêtre grande ouverte laisse passer un air tiède dans lequel Claire reconnaît les effluves du printemps. La ville en ruine commencerait-elle à retrouver d’autres odeurs que celles de la guerre et de la mort ? des parfums d’arbres et de fleurs, des parfums de vie ? La renaissance de Berlin lui importe au plus haut point : c’est sa ville d’adoption, ce sera celle de son fils. Elle contemple dans le miroir la silhouette déformée de son corps et se félicite d’accoucher loin des siens : eux, au moins, n’auront pas vu le monstre qu’elle pense être devenue. Elle vient d’écrire à sa sœur Luce une lettre malicieuse dans laquelle elle se vante de donner avant elle un petit-fils à leur père. Car ce n’est pas pour Wia que Claire veut un fils mais pour son père qu’elle admire plus que tout au monde et dont elle sait qu’il espère la naissance d’un garçon. « Bien sûr, il ne portera pas le beau nom de Mauriac, papa, mais Petrouchka sera votre premier petit-fils. Dans ce domaine, au moins, j’aurai coiffé au poteau et ma sœur et mes deux frères ! » pense Claire avec une fierté enfantine.
    En fin de journée, Wia passe la voir un instant dans leur chambre. Il lui apporte une odorante branche de lilas, du feuillage et la lettre qu’il vient d’écrire à sa belle-mère, qu’il souhaiterait, comme souvent, qu’elle relise.
    Claire passe rapidement sur le récit des relations de plus en plus tendues entre l’Est et l’Ouest, sur ce qui s’appelle désormais la guerre froide , pour s’attarder sur un passage qui la concerne.
     
    « Par Claire, je partage votre vie, vos joies et vos soucis, par elle vous savez ce qui se passe ici, nos occupations, nos projets. Par moi, vous ne pourrez apprendre que ce que Claire ne vous dit pas, c’est-à-dire qu’elle est plus qu’adorable (et plus qu’adorée) avec chaque jour qui passe. J’en oublie souvent de lui raconter certaines choses sur mon travail ou sur mes occupations de la journée, tant je la sens présente à mes côtés à tout moment. Elle n’est jamais absente de ma vie, j’ai l’impression qu’elle est une partie de moi, et pourtant je découvre constamment quelque chose de nouveau qui me fait l’aimer plus.
    Ma mère est partie. Je ne l’aurai vue que le soir et encore n’était-ce souvent qu’au milieu d’autres gens car notre maison a été un grand centre de réunions. Claire par contre a passé avec ma mère, presque toujours en tête à tête, le plus clair de ses journées, et vous ne pouvez imaginer à quel point elle a été en toute occasion et dans tous les domaines adorablement gentille. Ma mère est repartie en excellente santé physique et morale, heureuse, reposée, apaisée, ravie de son séjour, toutes choses qui sont uniquement dues à Claire. »
     
    Par pudeur, Claire s’est détournée de façon à dissimuler l’émotion qui s’est emparée d’elle à la lecture de la lettre. Elle se savait, elle se sait aimée, mais une part d’elle-même en doute encore, en doutera toujours. Wia se méprend
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