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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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jaune, j’aimerais avoir la jupe de mon tailleur noir.
    Il me semble que c’est tout.
    J’espère que vous allez tous bien. Ici, il neige.
    J’ai été hier soir entendre et voir Rigoletto . C’était chanté d’une façon admirable et j’ai trouvé cela très, très, beau.
    Je n’ai pas encore répondu à la lettre de Claude qui était si gentille. Je ne sais où me mettre tant j’ai honte. Ni à Luce, alors que tous les jours je pense à elle et à son fils.
    Ma maman chérie, je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur. »
     
    Claire s’apprête à glisser sa lettre dans l’enveloppe quand Wia surgit.
    — Tu écris à ta mère ? Je vais ajouter quelques mots.
    Il prend sa place devant le secrétaire en marqueterie qui semble tout à coup très petit. « Un meuble de jeune fille », se dit Claire rêveusement. Malgré les mois écoulés, elle ne s’est pas complètement habituée à son nouveau nom, à son mari. La venue au monde d’un fils dont elle sera la mère demeure une perspective étrange dont il lui arrive encore de douter.
    Wia, pressé par le temps, écrit vite d’une haute et très lisible écriture.
     
    « Maman crainte et chérie,
    Vous devez me juger un bien vilain bonhomme, oublieux et ingrat. Il n’en est rien ! Vous avez un gendre adorable, gentil, qui vous aime bien (quoiqu’il ait encore un peu peur de vous, surtout à distance) mais le pauvre a tant à faire. C’est un homme-orchestre, remplaçant à tour de rôle et souvent simultanément à peu près tous les membres de sa division, du planton au grand chef. Le malheureux sort de son bureau à 8 heures du soir et il est rare qu’on ne le dérange pas encore deux ou trois fois après. Il faut qu’il voie son épouse chérie, qu’il promène les chiens, dîne, lise le journal pour ne pas entièrement perdre le contact avec la vie extérieure (à ce propos, soyez bénie pour les Figaro qui arrivent comme de vrais petits express, vieux de trois jours à peine, ce qui est incroyable !).
    Le résultat est que les jours passent, sans que je puisse rien faire dans le cadre de ma vie personnelle.
    Dans quelques jours, je pars pour cinq jours au Danemark, hélas en mission archi-officielle, donc sans Claire. Tristesse !
    Je vous embrasse avec un affectueux respect et vous redemande pardon pour ces longs silences. »
     
    — Ça ira ?
    Claire relit à toute vitesse.
    — Ça ira. De toutes les façons maman est sous ton charme.
    Wia prend l’enveloppe. Sur le pas de la porte de leur chambre, il marque un bref arrêt pour regarder cette femme tant aimée, la sienne, la mère de leur futur enfant. Il a envie de la remercier d’être là, d’être si jolie, de l’avoir choisi, pense-t-il, parmi tant d’autres hommes. Mais il craint de l’irriter et dit tout autre chose :
    — J’ai appris qu’un de mes meilleurs amis d’avant la guerre est de passage à Berlin. Nous avons passé notre bac ensemble. Il te plaira beaucoup, il s’appelle Minko.
    — Minko !
    Claire est tellement stupéfaite qu’elle en fait tomber le livre qu’elle venait de prendre. Les chiens sursautent, Wia entre de nouveau dans la chambre dont il referme la porte.
    — Tu connais Minko ? Ce séducteur de Minko ?
    — Oh, oui !
    Une allégresse soudaine s’est emparée de Claire. Ainsi donc, cet ami lointain, dont elle était sans nouvelles, qu’elle avait un peu oublié, est vivant ! Elle ne se rend pas compte de l’inquiétude qui s’est emparée de son mari, de son air malheureux, perdu. Dans sa joie d’évoquer le passé, elle raconte comment ils se sont connus, jeunes gens, à Paris, avant la guerre ; leurs retrouvailles sur le front Est, à la fin de l’année 1944 ; les risques qu’elle avait pris en rentrant sans permission officielle à Paris afin de lui trouver l’ambulance qu’il réclamait. Wia l’écoute comme, peut-être, il ne l’a jamais encore écoutée. Pour la première fois il doute de lui, de l’amour que lui porte Claire. Il envisage comme une catastrophe possible qu’elle le quitte, comme ça, du jour au lendemain, parce qu’un amour de jeunesse soudain réapparaît.
    — Et toi, comment connais-tu Minko ?
    Wia est sensible au naturel de sa voix, à la simplicité de sa question. L’horrible vision se dissipe.
    — Par l’École alsacienne. Nous étions un petit groupe d’amis d’origine étrangère. Il y avait principalement moi, le Russe, Minko, le Polonais et Stéphane
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