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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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feignent d’ignorer qu’il pleure à chaudes larmes.
     
    Lettre de Claire :
     
    « 6 janvier 1947
    Ma maman,
    Un tout petit mot simplement pour vous dire que tout va bien et surtout parce que Rolanne prend le train dans quelques minutes. Je vous écrirai plus longuement d’ici très peu de temps.
    J’ai beaucoup pensé à vous tous le 1 er janvier et ai communié ce matin pour vous et pour papa (un peu pour mon fils aussi).
    Vous avez certainement passé un meilleur 1 er janvier que Wia et moi car, ayant perdu notre chien Vicouny, nous l’avons cherché et recherché. Grâce à une grosse récompense promise, on nous l’a rapporté le 2 au soir. Mais je vous raconterai tout cela plus longuement. »
     
    Claire cesse d’écrire. Non, elle n’en dira pas plus sur le comportement de Wia lors de la disparition de Vicouny ; cet amour fou... Comment ses parents comprendraient-ils qu’on s’attache autant à un animal ? Elle-même ne sait plus quoi penser. Elle pressent qu’elle n’oubliera jamais ces heures d’anxiété, cette question qu’elle s’était posée et qu’elle se pose encore : Wia saura-t-il aimer leur fils plus que son chien ? Elle se souvient de la brutalité avec laquelle il avait chassé Kitz de leur chambre pour le punir d’avoir si mal veillé sur Vicouny. Kitz s’était réfugié chez Mistou où il se trouve toujours. Elle revoit aussi Hilde, la traductrice qui travaille parfois avec la Croix-Rouge leur annonçant qu’on avait enfin retrouvé Vicouny ; la somme énorme que réclamait la personne qui l’avait soi-disant « recueilli ».
    Mais la voix de Rolanne, dans l’escalier, met fin à ses pensées.
    — Je m’en vais !
    Claire est obligée de terminer sa lettre.
     
    Dans un cadre en bois doré, une photo la représente agenouillée, Vicouny dans les bras, au milieu d’une prairie. L’herbe très haute, les fleurs sauvages, la lumière, sa chemisette et le sourire heureux qu’elle arbore évoquent l’été, l’insouciance, le bonheur. Wia a pris cette photo le dernier jour de leur voyage de noces, à une vingtaine de kilomètres de Berlin. D’autres photos encore la montrent en short, en maillot de bain. Claire les contemple avec un mélange de fierté et de chagrin. Il lui semble qu’elle réalise seulement maintenant à quel point elle y est jolie, si mince, si fine. Pourra-t-elle un jour redevenir cette jeune femme-là ? Elle en doute. Une dernière photo où elle figure au milieu des filles de la Croix-Rouge, prise le 31 décembre 1946, la décourage. Elle s’y trouve bouffie, vieille. « Mon fils, mon fils, tu exagères, tu me fatigues », dit-elle. Depuis peu, quand elle est seule, elle se surprend à lui parler, avec un mélange de reproches, d’encouragements, de mots d’amour qui lui viennent du plus profond d’elle-même et qui l’étonnent.
    Claire songe avec ennui qu’elle a rendez-vous avec Hilde. Toutes ces camarades étant sur les routes, c’est « l’Allemande », comme elle l’appelle, qui va la guider dans l’hôpital où l’on soigne le jeune Grec. Contrairement à Rolanne, elle éprouve à son égard un curieux sentiment de méfiance. Pire, elle est prête à parier qu’Hilde a sa part de responsabilité dans la disparition de Vicouny, la somme qu’il a fallu verser pour le récupérer.

 
    Lettre de Claire :
     
    « Berlin, 14 janvier
    Chère maman,
    Wia étant à une soirée où il est obligé d’aller, je vous écris dans mon lit. Il est déjà plus de 11 heures.
    Aujourd’hui, premier air de printemps : c’était le dégel dans toute sa beauté. L’eau dégoulinait de partout et l’air avait une odeur de printemps adorable. J’ai naturellement été la seule, ici, à m’en apercevoir. Je sais que Jean, lui, serait rentré en disant : “C’est merveilleux, c’est le printemps” mais il n’était pas là et j’ai été la seule à en profiter. Il y a quatre jours, il faisait encore – 23, avant-hier – 20, hier il neigeait et aujourd’hui c’est le printemps. Le froid a été terrible mais je ne m’en suis pas beaucoup aperçue parce que je ne suis sortie que très peu. Mais les Berlinois, qu’ils ont dû souffrir...
    Merci de votre lettre reçue ce matin, enfin ! C’est drôle car hier soir encore je disais à Wia : “Il va falloir tout de même décider où aura lieu cette naissance, à cause de papa et maman qui doivent me trouver bien négligente.”
    Rosen rentre juste de
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