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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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Hessel, l’Allemand. C’était formidable, l’École alsacienne. Nous n’étions pas considérés comme des « étrangers » mais comme des « internationaux ». Pour nous trois, cette nuance était tellement importante...
    Tout au plaisir d’évoquer pour Claire cette époque heureuse, Wia oublie ce qui l’avait si fortement troublé quelques minutes auparavant. Il raconte des vacances en Espagne, la descente en canoë de l’Èbre à travers la Navarre, l’Aragon et la Catalogne.
    — Je n’ai jamais plus entendu parler de Stéphane et il y a toutes les raisons, hélas, d’être inquiet... J’espère que Minko sait ce qu’il est devenu. De nous trois, Stéphane Hessel est le plus doué pour le bonheur et...
    Mais Claire, d’un geste l’interrompt.
    — Le courrier ! Nous avons oublié de donner le courrier !
    — Ta mère attendra.

 
    Rolanne de retour d’un séjour de deux semaines dans sa famille a rapporté des fruits, des légumes, le courrier de ses camarades. C’est ainsi que Claire reçoit en même temps des lettres de ses frères, de sa sœur et de sa mère. Tous trouvent judicieuse l’idée de donner à son futur enfant un prénom commun à la France et à la Russie. On lui suggère Pierre, Natacha ou André à cause de Guerre et Paix , un des romans préférés de François Mauriac. « Ce sera Pierre, Petrouchka », décide Claire.
    Elle et Rolanne remontent d’un pas vif le Kurfürstendamm en direction de la clinique où doit accoucher Claire et où il est temps qu’elle s’inscrive. Elles y ont rendez-vous avec Hilde qui leur servira une fois de plus d’interprète pour les aider à remplir les formulaires.
    Après un début avril pluvieux, le froid est revenu rappeler à tous que l’hiver, le terrible hiver 1946-1947, n’est pas terminé, du moins pour la population allemande. Car l’Allemagne demeure un pays ruiné où tout manque : la nourriture, les logements, les vêtements. Malgré le maintien des cartes de rationnement par les Alliés puis, depuis l’été, l’envoi de colis par l’O.N.U., la population souffre toujours de la faim, Claire et Rolanne le constatent en parcourant les rues de Berlin.
    Des femmes et des hommes d’aspect misérable continuent à déblayer les immeubles en ruine, la plupart du temps sans l’aide de machines, à mains nues. Ils ont depuis longtemps échangé ce qui leur restait contre un peu de nourriture dans les campagnes et acceptent n’importe quelle forme de travail pour se nourrir. Beaucoup vivent encore dans des caves.
    — On a l’impression que rien ne change pour eux, soupire Rolanne, qu’ils sont toujours dans l’« année zéro », la Stunde Null , comme dit Hilde.
    Claire ne sait que répondre. Depuis qu’elle ne conduit plus son ambulance, elle éprouve un vague sentiment de culpabilité. Même si elle mange mal, jamais suffisamment à son gré, elle a conscience de bénéficier d’énormes privilèges. Cela la gêne vis-à-vis des Allemandes qui sont à son service maintenant qu’elle est enceinte. Une première la masse tous les matins, une deuxième s’occupera de son futur enfant. Sans parler des femmes qui, tous les jours, viennent faire le ménage de l’ensemble de son immeuble.
    Hilde attend devant le bâtiment en partie reconstruit où se trouve la clinique. Elle porte comme toujours un grand manteau d’homme serré à la taille par un ceinturon militaire et un béret très enfoncé sur la tête. Les mains dans les poches, elle regarde s’avancer Claire et Rolanne sans manifester le moindre sentiment.
    — Les papiers sont prêts. Vous n’aurez qu’à me dicter les réponses, puis à les signer. Ensuite, il faudra revenir avec l’argent, annonce-t-elle d’une voix neutre.
    Claire et Rolanne la suivent dans une succession de pièces sommairement meublées mais très propres. Elles croisent des religieuses, des femmes allemandes enceintes qui se retournent toutes sur leur passage.
    — C’est votre uniforme de la Croix-Rouge, explique Hilde. Il n’y a aucune étrangère ici, aucune.
    Elle désigne des chaises. Tandis que Claire et Rolanne s’installent, Hilde pour la première fois regarde Claire franchement.
    — Pourquoi avez-vous choisi d’accoucher dans une clinique allemande ? dit-elle soudain.
    — Parce qu’on m’a dit que les accoucheurs américains sont épouvantables, et je ne veux pas me faire charcuter !
    Claire un bref instant surprise par cette curiosité inattendue
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