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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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et s’inquiète :
    — Ça ne va pas ? Je suis ennuyeux ?
    Claire alors se reprend, en dissimulant sa soudaine envie de rire sous un air grave :
    — Non, Wia, non. Mais tout de même, quand tu écris à maman...
    Elle cherche le passage auquel elle pense, le trouve et lit :
    « Vicouny est toujours égal à lui-même, c’est-à-dire le chien parfait (pour Claire et moi) ou totalement imbécile (pour le reste de l’humanité). Il suit Claire pas à pas et partout, et l’adore (comment pourrait-on faire autrement). Voici donc à peu près les nouvelles de la famille. »
    — Et alors ?
    — Et alors, c’est invraisemblable que tu ne puisses pas comprendre que maman se fiche comme d’une guigne de Vicouny !

 
    L’accouchement se passe mal. L’enfant qui a respiré trop tôt s’est étouffé et ne doit la vie qu’au savoir-faire du médecin accoucheur. Claire, à demi consciente, souffre beaucoup. Elle n’a pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures, elle est épuisée. Quand on lui dit que l’enfant est sauvé, que c’est une petite fille maintenant en parfaite santé, elle refuse de la voir. « Tout ça, pour ça ! » proteste-t-elle en se tournant du côté opposé et en sombrant dans un profond sommeil.
    Quand elle se réveille, le soleil couchant éclaire la chambre où elle se trouve. Par la fenêtre, elle voit les branches d’un tilleul agitées par la brise et, sur la table de nuit, un bouquet de fleurs. Puis, un berceau qui lui fait face, au pied du lit. Alors elle se souvient avoir accouché d’une petite fille et réalise que le berceau est vide. Elle prend peur : et si l’enfant qui avait eu tellement de mal à naître n’avait pas survécu ? Elle cherche une sonnette, quelque chose qui lui permettrait d’appeler au secours.
    Mais la porte s’ouvre sur Wia tenant le bébé dans ses bras, suivi d’Olga et de Rolanne. Tous trois sont aussi radieux qu’émus. Ils se lancent dans un bavardage confus d’où il ressort qu’ils sont rassurés, fous de joie, et que tous les habitants du 96 attendent avec impatience le moment où ils pourront venir embrasser Claire. Celle-ci a envie de leur dire de faire moins de bruit, de cesser de s’agiter.
    — Demain, après-demain au plus tard, j’irai présenter ma fille à tous nos amis, dit Wia. Regarde-la de près : un vrai moujik !
    Il lui tend le bébé que Claire refuse avec mauvaise humeur.
    — Je suis trop fatiguée, dit-elle d’un ton morne.
    Wia, un peu désemparé, se tourne vers Rolanne et Olga comme pour leur demander ce qu’il faut faire avec une femme, la sienne, devenue mère depuis quelques heures. Rolanne a un joyeux haussement d’épaules pour signifier que c’est sans importance et qu’il faut laisser à Claire le temps de s’habituer. Elle prend le bébé contre sa poitrine, le berce, le chatouille, chantonne le début d’une comptine. L’enfant pousse des petits cris qui attendrissent Olga.
    — Prête-le-moi, demande-t-elle.
    — Non, c’est mon enfant de Berlin.
    Rolanne, le bébé toujours contre elle, danse maintenant autour du lit, comme pour communiquer au nouveau-né un peu de la joie que sa venue suscite. « Mon enfant de Berlin, mon enfant de Berlin », ne cesse-t-elle de répéter. Wia s’est assis près de Claire. Il lui a pris les mains, lui raconte les coups de téléphone passés à leurs deux familles, les félicitations de tous, les télégrammes qui commencent à arriver de partout.
    Mais Claire ne l’écoute qu’à moitié. Elle regarde avec un mélange d’irritation et de stupeur Rolanne virevolter avec le bébé, Olga qui tente de s’en emparer. L’exaspération finit par l’emporter.
    — Rendez-le-moi, mon enfant de Berlin.
    Rolanne ne se fait pas prier. Claire, avec crainte tout d’abord, puis avec un peu plus d’assurance, l’installe au creux de son épaule. Qu’il se laisse faire sans crier, sans pleurer, qu’il soit à ce point-là confiant, content même, la bouleverse. Elle comprend confusément qu’il vient d’elle, qu’il est à elle. Elle s’étonne, naïvement, sincèrement, d’avoir été capable de fabriquer un tout petit humain.
    — C’est invraisemblable, murmure-t-elle.
    Elle caresse la peau, si douce, si tendre, vérifie qu’il a bien deux mains, deux pieds, demeure interdite devant les sourires que l’enfant lui adresse, les gazouillis satisfaits qui sortent de sa bouche. Elle le sent si sûr d’être à la bonne place
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