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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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fit avec empressement. Depuis l’édit qui, sous la Régence, avait supprimé le droit de havage que nous percevions, en le remplaçant par un traitement fixe de seize mille livres par an, Charles-Jean-Baptiste Sanson et son père avaient été fort inexactement payés de ce traitement ; les différentes caisses publiques se les renvoyaient et l’embarras des finances ne contribuait pas peu à faire ajourner les réclamations légitimes de mes ancêtres. Il était dû un arriéré considérable. Charles Sanson  II avait obtenu une audience du Régent, qui, frappé de la justice de ses plaintes lui avait fait délivrer une somme de cinquante mille livres en billets de la Banque royale (système de Law) ; mais ces valeurs étaient déjà tombées en discrédit ; mon bisaïeul ne put en trouver l’emploi, et je les ai encore dans le portefeuille où elles furent placées à la suite de cette audience.  
    Le comte de Charolais voulut bien représenter à Louis XV la situation précaire dans laquelle se trouvaient ses exécuteurs de justice par suite du non payement de leur salaire, et Charles-Jean-Baptiste Sanson reçut enfin une somme importante dont il avait le plus grand besoin, car, pendant tout le temps qu’il n’avait rien touché, l’état de sa maison et les charges de l’emploi n’en avaient pas moins suivi leur train qui ne laissait pas que d’occasionner, comme on l’a vu, des dépenses considérables.
    Pour en finir avec ce prince, mon père et mon grand-père n’ont jamais douté, par suite de l’anecdote que j’ai racontée, qu’il fût entièrement innocent du meurtre de ce couvreur dont sa mémoire est restée chargée ; car, de nos jours encore, on a mis la chose à la scène. Sans doute le comte de Charolais était brusque, hautain et emporté, et ce fut là peut-être, ainsi que son étroite parenté avec le véritable auteur de ce crime, ce qui le fit accuser d’un trait qui semblait dans son caractère, mais qui ne lui appartient vraisemblablement pas. Si ce n’est toi c’est donc ton frère, peut tout au plus lui objecter la postérité, comme le loup à l’agneau ; mais on a vu qu’il arriva souvent à ce frère de ne point avoir la conscience de ses actes. Je ne m’explique pas autrement la contradiction des chroniqueurs du temps, les uns soutenant énergiquement, les autres niant avec la même obstination un fait qui malheureusement est venu jusqu’à nous sur la foi de récits controversés. Je crois que si, à l’époque, par un excès de fierté mal entendue ou par un dévouement trop chevaleresque à son frère le prince n’eût pas dédaigné de faire entendre une justification publique, sa mémoire serait aujourd’hui complètement lavée de cette cruauté qui la salit encore.  
    Il n’est pas vrai, non plus, que Louis XV eût en aversion le comte de Charolais ; il l’admettait, au contraire, dans ses réunions les plus intimes et même dans de joyeux tête-à-tête. Cela nous l’avons su à n’en pas douter, par ce même Chesneau, dont je parlais tout à l’heure, et qui eut plusieurs fois l’honneur de servir le roi et le comte dans de fins soupers, auxquels n’assistaient que des convives de l’autre sexe. Louis XV, digne élève du Régent, eut tous les défauts de sa race ; mais il était particulièrement aristocratique, et, malgré la faveur dont il combla plus tard le duc de Richelieu, le marquis de Chauvelin et quelques autres compagnons habituels de ses débauches, il est certain qu’il préférait n’avoir pour témoin de ses déportements qu’un prince de son sang, devant qui il s’imaginait moins abaisser la majesté royale. Ce n’est guère qu’après la mort de Charolais, qui eut lieu en 1760, que le roi se livra davantage à ses favoris et acheva de perdre cette dignité qui avait jeté longtemps un voile sur ses fautes.
    Chesneau était fort habile comme armurier et comme graveur ; il fabriquait des armes à grande portée, d’une justesse parfaite et d’une élégance remarquable. C’est à tous ces titres qu’il avait conquis les bonnes grâces du comte de Charolais, grand chasseur et excellent tireur, comme presque tous les gentilshommes d’alors. Malgré son habileté, un jour que Chesneau essayait, dans les jardins de l’hôtel de Charolais, à Paris, une carabine de luxe à laquelle il avait mis tous ses soins, l’arme vint à éclater et blessa grièvement le jeune homme au bras et au poignet. Le comte, instruit
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