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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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    — Je suis très-honoré de faire la connaissance de votre Altesse, répondit mon bisaïeul. Au moins suis-je assuré qu’à son occasion, malgré la sévérité des lois qui punissent les attentats contre la personne des princes, je n’aurai jamais à exercer mon ministère ; car si j’ajoute à certains dires la même foi que votre Altesse prête à ceux qui me représentent comme l’assassin de mon fils, notre sire le Roi a promis de faire grâce de la vie à celui qui tuerait votre Altesse comme elle a tué un malheureux innocent.
    Le comte pâlit de rage.
    — Je ne sais ce qui me tient, misérable, répliqua-t-il furieux, de châtier ton insolence en te plongeant mon épée dans le ventre. Mais ce serait donner une apparence de confirmation à l’absurde. calomnie dont tu viens de te faire l’écho. Sache donc bien, quoique je ne veuille pas m’abaisser à me justifier devant toi, qui es un égorgeur à gages, que ce prétendu meurtre d’un couvreur que j’aurais commis est le plus insigne des mensonges ; si un homme a, en effet, péri dans des circonstances comme celles qu’on rapporte, ce n’est point de ma main ; c’est mon frère, le comte de Clermont, qui serait le coupable, si toutefois on peut donner ce nom à un homme privé de sa raison et ayant agi sans discernement.
    L’histoire du comte de Charolais tirant sur un couvreur pour montrer son adresse et abattant ce pauvre artisan sur le toit où il vaquait à son périlleux travail était tellement répandue et populaire à l’époque, que mon bisaïeul ne l’avait jamais révoquée en doute. Le roi n’avait, à ce qu’il paraît, amnistié le comte de ce meurtre qu’en l’avertissant qu’il ferait également grâce à celui qui l’assassinerait, si quelque parent ou ami de la victime de sa férocité s’avisait d’exercer contre lui d’aussi sanglantes représailles. Charles-Jean-Baptiste fut donc extrêmement surpris de voir le comte se défendre avec cette vivacité d’un crime qui lui était si généralement imputé, et qu’on l’accusait même de ne considérer que comme une bagatelle. L’explication toute nouvelle qu’il donnait en rejetant la faute sur son frère, que la conduite qu’il avait tenue au tombeau du diacre Pâris et dans maintes autres circonstances faisait passer pour atteint d’une espèce d’insanité d’esprit, pouvait être vraie, et mon bisaïeul se sentit de suite singulièrement ramené vers ce prince plus digne de pitié que de blâme, si réellement la voix publique le chargeait à tort d’un forfait dont il était innocent. Il s’excusa donc de l’impolitesse qu’il lui avait montrée d’abord, et, après avoir satisfait sa curiosité en lui montrant Charles-Henry Sanson qui jouait dans la cour, sans se douter de la façon tragique dont on l’avait périr, il se permit de hasarder quelques questions à son tour sur l’affaire du couvreur. Le comte confirma amplement ce qu’il en avait dit déjà : c’était son frère, le comte de Clermont, abbé de Saint-Germain-des-Prés, qui, dans une espèce d’accès d’aliénation mentale, avait commis ce meurtre, qu’on devait considérer comme un acte de démence. Quant à lui, il en était complètement innocent, et il invoqua même le témoignage d’un des serviteurs qui l’accompagnaient.
    — Chesneau, dit-il à un tout jeune homme qui se tenait respectueusement à l’écart, approche et dis à ce brave homme, quoiqu’il soit un mangeur de chair humaine, s’il n’est pas vrai que c’est mon frère l’abbé qui a tué le couvreur dans une des escapades de sa maudite folie.
    Le jeune homme s’inclina en signe d’affirmation. Cet entretien, si aigrement commencé, se termina donc, comme on le voit, par de mutuelles confidences, je pourrais presque dire des épanchements. Mais ce qu’il y a de particulier, c’est qu’à partir de ce moment, le comte de Charolais, malgré la distance qui les séparait, se lia presque avec mon bisaïeul et ne manqua jamais à lui rendre visite toutes les fois qu’il venait à Paris. Il s’établit entre eux des relations de voisinage, car le comte habitait, pendant son séjour dans la capitale, un hôtel situé rue des Poissonniers et par conséquent peu éloigné du nôtre. Il était donc très rare qu’il passât quelques jours à Paris sans venir, en compagnie du fidèle Chesneau, rendre visite à Charles-Jean-Baptiste Sanson. Il eut même occasion de lui rendre service et le
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