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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil
Autoren: Jean-Michel Riou
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J’avais mieux à faire que d’entendre ses petits mots sans esprit à propos de mes retards ou de mon indifférence à l’égard de son éducation.
    — Alea jacta est 6 , soufflait-il alors sur mon passage, signifiant ainsi à haute voix son désaccord sur mes manières, et je le crus longtemps, combien il se sentait dépassé.

    Ce jour-là, ignorant sa présence, je saluai, chapeau bas, comme un mousquetaire, le très beau portrait de ma mère qui colorait la scène de mon retour et qui me souriait.
    Les oreilles ostensiblement bouchées, j’escaladais les marches deux à deux. J’insistais encore en faisant claquer mes talons. Les ite missa est 7 de Thomas Blois se perdirent dans l’écho de ma marche aux accents militaires.
    Je lui avais échappé. Un peu... Je disposais d’un court répit avant que mon père ne se présente à la porte de ma chambre. Il serait échevelé, essoufflé par notre course à cheval. Il masquerait son plaisir de me voir heureuse en forçant la voix et le sourcil :
    — Au travail ! Hélène... Le docte Blois t’attend dans la bibliothèque.
    Et si je bougonnais, mon père, en homme sage, ne proférerait aucun reproche, aucune menace. Il ferait mine d’oublier les risques que j’avais pris. Il ne répéterait pas les leçons de prudence que j’avais négligées. Il s’avancerait et il m’embrasserait :
    — Téméraire et belle. Tu es tant le portrait de ta maman...
    Il n’y avait pas de mots plus doux, plus aimants que ceux-là.
    — Tu as tout pour toi. Tu peux conquérir le monde et celui-ci sera bientôt à tes pieds... Veux-tu croire à ton destin ?
    Celui auquel pensait mon père était la définition même de l’humaniste : un esprit enrichi par le savoir de Rome et d’Athènes, maîtrisant l’histoire, la géographie et la science des mathématiques. Une éducation dont la vocation était d’élever son détenteur dans la société du Roi-Soleil bien plus justement que les droits liés au sang ou à la naissance.
    — La connaissance, c’est la liberté ! Apprendre est le moyen le plus honnête et le plus agréable de s’affranchir de l’intolérance et de l’obscurantisme. D’exister en tant qu’être humain.
    — Et que faites-vous de la formation du corps ?
    Cette question réunissait tout notre différend, car sur un point, mais un seul, nous pensions autrement.

    Je voulais aussi vivre l’éducation d’un fils. Apprendre à tenir l’épée, savoir me battre en duel, défendre avec les armes les mâchicoulis des châteaux-forts. Pierre de Montbellay refusait. J’insistais.
    — Quelques heures d’enseignement auprès de monsieur Faillard, votre maître d’armes, je vous en supplie...
    — Point trop n’en faut, ma fille !
    — Ce soir, après les corvées ennuyantes du triste Blois. S’il vous plaît ! Je sais que maître Faillard sera ici. Je vous ai entendu en parler.
    Il soupirait. C’était le signe de l’abandon.
    — Viens, alors. Pour le reste, nous verrons bien...
    Je lui sautais au cou.
    — Il n’y a pas de père plus tolérant que vous !
    — Et de fille plus adroite...
    — À qui la faute ? Vous ! Ce sont vos leçons qui me rendent rusée.
    — Ne profitez pas trop d’elles. L’instruction libère et donne toute sa force à la critique. Mais elle n’est rien sans la tolérance de l’esprit et, dans ce royaume, c’est un sujet plus grave que vous ne l’imaginez.

    Soudain, en proférant ce genre de mise en garde, mon père devenait sombre et sans trop savoir de quoi il souffrait, je devinais qu’il y avait un rapport entre son état et les remontrances qui lui parvenaient désormais fréquemment de la cour de Louis XIV. On le menaçait. Mais pourquoi ?
    — Tu es trop jeune pour te mêler de ces questions, me répondait-il en souriant tristement lorsque je l’interrogeai sur ce point.
    Et il répétait :
    — Plus tard, tu comprendras...
    Pour chasser ses mauvaises idées, je n’avais d’autre moyen que de le narguer encore :
    — M’apprendrez-vous enfin le secret de la botte des Montbellay ?
    — Jamais ! Ce privilège est réservé aux hommes.
    Aussitôt, il se mordait les lèvres et regrettait amèrement ses propos. Je n’étais que sa fille. Et ce fils, qu’il avait tant espéré, réveillait cruellement le souvenir de ma mère et de son épouse, Louise de Maillechevile, serrant le corps de son enfant mort, avant d’être emportée par la douleur et la tristesse.
    La peine de mon père m’atteignait
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