Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
doublement. Je songeais à ma mère que je n’avais que trop peu connue. Et à ce père qui aimait plus que tout le fils qu’il n’avait pas vu grandir.
    — Vous détestez ce que je suis : une fille !
    J’étais injuste. J’ajoutais à son chagrin mais lui me pardonnait aussitôt. Il posait sa main sur mes lèvres et murmurait à mon oreille :
    — Tu es ce que j’ai toujours désiré. Tu es ma fille et je t’aime pour ce que tu représentes. Tu es mon passé, mon présent, mon futur. Comment peux-tu en douter ?
    Nous tombions alors dans les bras de l’autre. Mon père soignait mes larmes et si je plantais mon regard dans le sien, je lisais combien cet homme était vrai et sincère.
    — C’est toi qui as raison, ajoutait-il doucement. Tu connaîtras le secret de la botte des Montbellay, il ne peut en être autrement. Sinon, à quoi bon croire aux vertus des femmes.
    — Elles valent autant que les hommes, martelais-je aussitôt.
    — J’en sais quelque chose, murmurait-il.
    Je faisais un bond en arrière et m’échappais de ses bras :
    — Et parfois, elles vous dépassent, monsieur le comte !
    — Tu as cent fois raisons, gémissait-il. Mais pour cela, il faut...
    — Apprendre, je sais... C’est dit. Monsieur Blois aura ce qu’il veut. Je cède, je capitule. Mais il n’a gagné qu’une bataille. Pas la guerre.
    — En route, soldat !
    Comme souvent, je me levais d’un bond. Mais ce matin-là, il me retint aux épaules :
    — Avant de filer jusqu’à la bibliothèque, habille-toi en jeune fille digne de son rang et de son titre. Est-ce trop te demander que de porter une robe pour le plaisir de ton père ?
    J’allais rugir. Il m’invita à me taire :
    — Patiente, encore...
    Il frappa dans ses mains. Aussitôt, la porte de ma chambre s’ouvrit et Berthe se présenta. Elle devait attendre son signal. Elle rayonnait. Ses joues étaient plus rouges que les pommes du potager, devenu jardin des Hespérides 8 par le talent du sage Jules, notre vieux jardinier. Elle respirait fortement et ses yeux brillaient de coquinerie. Elle jeta un regard vers mon père. Il acquiesça en silence. Sans plus attendre, elle s’avança, les mains dans le dos et, tout près de moi, me montra ce qu’elle croyait y cacher, mais dont j’avais deviné l’intérêt. C’était la robe de soie rose que j’avais tant réclamée à mon père. Berthe la déplia et me la présenta en soufflant son bonheur :
    — C’est pour vous. Monsieur le comte m’avait fait promettre de ne pas manger la surprise.
    Ce qui, pour elle, était une grosse privation.
    — Aurais-tu oublié que, ce soir, nous danserons ? lança mon père d’une voix joyeuse.
    C’eût été difficile ! Cette fête de Saint Albert, je ne cessais d’y penser depuis plusieurs semaines. Le reste, même mes galops fous avec Poussecul, était devenu insipide. On devinera dès lors ce qu’il advint des leçons de monsieur Blois. Plus que jamais, je me sentais sa prisonnière. Sa tenue sombre était celle du bourreau, ses mots tranchants comme une hache, ses questions celles que l’Inquisition posait à ses victimes. Par instants, mon esprit parvenait à échapper à sa vigilance. Aussitôt, il reprenait ses tortures :
    — Amo, amas, amat... Répétez, s’il vous plaît.
    Pourquoi ne voulait-il pas comprendre qu’à seize ans, je préférais essayer de conjuguer les sentiments ! Mâchonnant la plume qui me servait à recopier la déclinaison du verbe aimer, j’ânonnais, ne songeant qu’à la nuit si proche. Patience. Un dernier soupir – amamus, amant... –, et je me nourrirai aux fêtes étourdissantes qui, aux quatre saisons, embellissaient le manoir de Saint Albert.

    Le Roi-Soleil donnait l’exemple. L’écho de ses fêtes parvenait jusqu’à nous. Il fallait en conclure que dans ce royaume, l’idée de s’amuser était bonne. Au zénith de son règne, il y avait de la noblesse à chanter, danser, festoyer. Les vieux soupiraient en affirmant qu’au temps de leur jeunesse, on s’attachait à des œuvres plus sérieuses. Mais croyaient-ils qu’il était mieux de s’entretuer à la guerre ? Les jeunes, eux, trouvaient que les anciens se plaignaient trop souvent et ceux-ci tournaient les talons en entendant les premières notes d’un menuet.
    Les réjouissances organisées par Pierre de Montbellay se voulaient sans façon et il ne pouvait y avoir de bons moments sans associer toutes les âmes connues à Saint Albert. En invitant de concert les
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher