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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil
Autoren: Jean-Michel Riou
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coffres ?
    Le marchand soupira. Si peu de choses pour un si grand voyage... Mais ses biens étaient forcément hors de prix. Et le simple fait de pouvoir les contempler s’avérait si miraculeux qu’il fallait forcément croire que ces coffres recelaient des pouvoirs extraordinaires. Dès lors, leur valeur s’en ressentait.
    — Deux cents louis ? demanda-t-il en ouvrant la main.
    Mon père éclata de rire :
    — Je ne crois pas à tes fadaises, rusé marchand ! Mais si ton histoire n’est sans doute pas vraie, elle m’a au moins diverti. Pour tout te dire, je crois que ta plus grande qualité est celle de conteur. Ne me force pas à te faire avouer que ces pièces n’ont d’orientales que le nom que tu leur donnes, et qu’elles furent fabriquées par un pauvre charpentier des Cévennes...
    Le marchand écarquilla son œil et leva les bras au ciel, mais avant qu’il n’ait réagi, mon père se tourna vers moi :
    — Te plaisent-ils ?
    J’aurais tout donné pour posséder ces biens et leur histoire. Alors mon père me les offrit pour trois livres, soit un écu.
    Très vite, l’abri me sembla idéal pour y entasser pêle-mêle mes petits secrets. Sous mes vêtements et deux ou trois poupées de bois, j’y dissimulais mon trésor. La pièce la plus précieuse consistait en un flacon empli d’une potion d’eau et d’herbes macérées selon mon invention, mais que je n’avais jamais goûtée de peur de devenir crapaud. Pour les incantations et les formules magiques, je disposais d’un grimoire en latin dont j’étais certaine que Merlin en aurait fait son usage. Pour l’exécution de mes sortilèges, je gardais précieusement une branche solide et fourchue qui avait appartenu, à n’en pas douter, à une sorcière au nez crochu, tombée de son balai dans le bois où j’avais trouvé sa baguette. Avec ce bout de bois, et une fois aguerrie aux mystères alchimiques, je pourrais sans hésiter réaliser mes vœux, ceux d’une petite fille qui tenaient tout entiers dans ces frissons dictés par la nuit. Ces coffres abritaient en tout cas, à ses yeux, des génies emportés d’Orient par le marchand vénitien. Ils s’y cachaient en attendant, pour surgir, que je ferme enfin mes paupières si lourdes.
    Si je délaissais les coffres, c’était pour interroger le toit du baldaquin sous lequel je ne parvenais pas à dormir. Suffisait-il de prier en serrant fort les mains pour qu’il accepte de voler jusqu’au ciel ? Renonçant bientôt à cette hypothèse, je surveillais le tapis dont le feu éclaircissait les motifs. De jour, ce n’étaient que des courbes et des arabesques, mais la nuit, j’y voyais les battements d’ailes d’un ange venu me protéger. Pour l’aider, il suffisait de me lever d’un bond, d’ouvrir le coffre et de me saisir de ma baguette. Mais en ouvrant le coffre, allais-je libérer Pandore ?
    Un fauteuil aux pieds sculptés en tête de loup venait de m’envoyer un signal. Son bois gémissait. Et la table sur laquelle siégeaient deux candélabres lui avait répondu. Pas un mot, pas un geste, petite Hélène. Pour conjurer mon inquiétude, je surveillais à nouveau les mouvements du chêne immense qui me semblait avoir encore grandi. Il frissonnait et pliait. C’était le signal d’une belle et saine rafale. Le temps de respirer, et le vent s’engouffrait dans la cheminée. La braise se révoltait, le bois sifflait, les flammes se couchaient. Se pliant à ce barrage, le vent s’adoucissait alors pour caresser mon front qui émergeait de la mer de coton dans laquelle, ma poésie et moi, nous naviguions jusqu’à entendre enfin le pas rassurant de mon père.

    Parfois, j’attendais longtemps. Pierre de Montbellay était un personnage important et occupé. Un gentilhomme, je crois pouvoir l’écrire. Un humaniste, comme il se disait en ce temps-ci. Un esprit noble qui ne devait rien à sa naissance et à son titre. Le comte de Saint Albert était le seigneur du domaine considérable qui portait son nom et celui de ses ancêtres, et dont il assurait le gouvernement pour le profit des siens et du Royaume de France.
    Le domaine dont je parle, il me semble n’en avoir jamais connu les limites et, longtemps, la Terre ne me sembla pas plus grande que lui. Que pouvait-il y avoir de mieux au-delà de ses frontières ? Les franchir n’eût été qu’un jour ne me hantait pas, car je vivais, en effet, l’âge d’or, comme le figurait exactement l’emblème accroché au mur de
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