Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur
Autoren: Henri Gougaud
Vom Netzwerk:
Savoir est ma façon d’aimer. »
    Une vigueur nouvelle l’envahit. Il pressa le pas, traversa
le Pré au Comte, indifférent aux chiens sauvages qui hurlaient à la lune sur
les crêtes éboulées des murailles, et pénétra dans l’obscurité presque opaque
de la rue Comtale. Il aperçut, au loin, des pans de façades éclairés par les
torches du guet. Il se mit à courir, trébuchant à de bruyantes ordures, pour
arriver avant les soldats au prochain carrefour, car il lui déplaisait d’avoir
à leur parler, de subir leurs questions, leur respect, leurs lumières trop
vives. Il s’enfonça dans la rue du Puits-Creux. Il connaissait bien ces ruelles
qui se peuplaient, après la tombée du jour, de frôlements, d’images de songes, d’effrois,
de créatures presque désincarnées. Il y allait souvent errer de longues heures
en quête de rencontres imprévisibles. Des inconnus furtivement croisés, parfois
dépouillés par la nuit jusqu’à la simplicité de l’inavouable, et les coups
sourds dans les étables, les grincements d’enseignes, les feulements de chats
dans d’inaccessibles recoins, tout cela éveillait en lui d’autres remuantes
présences qui le bouleversaient.
    Il entendit des bruits de pas et de voix. Des gens
traversèrent la lueur d’une lanterne posée sur un rebord de lucarne. Il y avait
là une taverne où il n’était jamais entré. Il lui était arrivé de guetter sur
le seuil des fées ivres, en tremblant, non point dans l’espoir de jouir d’elles,
mais pour surprendre des instants de leur vie, par des entrebâillements, ou
peut-être, quand elles s’en allaient seules, les aider à atteindre l’aube. Il n’avait
jamais osé les approcher, par crainte de leurs moqueries.
    Il s’arrêta sous un portail d’écurie pour n’être pas vu de
ces gens qui venaient. Trois hommes suivaient une femme dont il n’aperçut que
la droiture fière et une houle de jupon. Elle marchait comme en plein jour, le
pas sûr, et riait à grands éclats moqueurs chaque fois que les autres
trébuchaient, derrière, en maudissant l’ombre. Cette fille nyctalope semblait
conduire des aveugles à quelque rendez-vous urgent connu d’elle seule. « Ont-ils
faim d’elle, se demanda Novelli, ou s’enivrent-ils simplement d’être guidés, vers
quel émerveillement, quelle fête surnaturelle ? » Un rire lointain, frais,
vif, lui répondit. Il l’entendit comme un salut miraculeux. Son cœur en déborda.
Alors, dans l’entassement de maisons tordues de l’étroite ruelle du Puits-Creux,
la nuit, soudain, lui sembla parée de prestiges insurpassables.
    Il s’en alla vers la Garonne, le regard loin de ses sandales
et rêvant plus haut que le front, tout empli de paroles charnues, de belles
phrases rondes, aisées, imparables. Il parlerait à Jean le Hongre avec la
joyeuse rudesse d’un bon maître. Le bougre lui baiserait les poings. Il le
bénirait, d’un signe de croix. Le désir lui vint, dans une grande chaleur d’âme,
de tout faire pour sauver cet homme de la mort qui lui était promise. Il
franchit l’enceinte de la ville par une poterne basse et courut dans l’herbe de
la berge, le long du rempart, jusqu’au Pont Vieux. De longues brumes dérivaient
sur le fleuve, effaçant à demi les contours des moulins. Seules en émergeaient
les deux tours carrées plantées à la sortie du pont, du côté du faubourg, où
les soldats de garde avaient allumé un grand feu. Novelli s’obligea à marcher
vers eux d’un pas ferme et bien martelé. Il se fit connaître. Les Pastoureaux
campaient derrière l’hôpital Saint-Jacques. Il aperçut des lueurs et des fumées,
à l’angle de la bâtisse. Un sergent lui proposa de l’accompagner. Il refusa et
s’en alla, sous le vaste ciel noir, sans écouter les conseils de prudence du
grand benêt, planté devant son brasier, la face rougeoyante.
    Le camp du Hongre lui apparut plus vaste et plus peuplé qu’il
ne l’avait imaginé. Partout dans le pré, des hommes dormaient autour de feux
presque épuisés. Quelques filles fardées de blanc allaient d’un groupe à l’autre,
essayaient de remuer ces tas de hardes, du bout du pied, en soulevant leurs
jupons, et piaillaient comme des volailles écorchées chaque fois qu’une main
les empoignait à la cheville pour les culbuter dans des puanteurs aigres. Novelli
vit bouger des torches, au bout du champ, sous des arbres. Il y alla et s’enquit
de Jean le Hongre auprès d’un adolescent
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher