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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur
Autoren: Henri Gougaud
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voulais pas t’offenser.
    — Tu ne m’offenses pas, répondit Jacques, levant les
yeux vers lui. J’ai du chagrin que tu me quittes. Tu as veillé sur moi si
longtemps.
    Il sourit, l’air bienveillant. Bernard en eut de la buée au
regard.
    — Je reviendrai, dit-il à petite voix.
    — Pars d’abord, bel homme, pars, je te bénis.
    Une immense joie illumina la figure du moine. Sa timbale en
trembla, sa main ruissela de vin.
    — C’est toi qui m’as donné envie de grimper au ciel, avec
tes grands élans, dit-il. Par le petit chemin de notre chapelle, je me serais
endormi, j’ai le jarret trop ferme et le coffre trop large. Jacques, je me sens
un désir de liberté à faire voler toutes les portes en fétus de bois.
    — Tu ne seras jamais plus serviteur, dit Novelli, radieux.
    — Serviteur ? Je ne l’ai jamais été, répondit l’autre,
se rebiffant avec une mauvaise foi rayonnante.
    Il fut aussitôt environné de rires, et rit aussi.
    — Nous ne venons pas à Toulouse, dit Vitalis. Nous
voulons être à Carcassonne pour les fêtes de mai.
    Ils vidèrent les cruches, n’osant plus se regarder, n’eurent
d’un long moment que de pauvres paroles vides, et la hâte leur vint de se
séparer avant que la mélancolie se fasse trop pesante. Vitalis le premier s’en
alla ouvrir la porte, humer l’air. Novelli prit frère Bernard par la main et le
conduisit jusqu’au seuil. Là ils s’étreignirent, chacun reniflant sur l’épaule
de l’autre, le moine disant :
    — Embrasse pour moi madame Stéphanie et nos frères du
couvent, et Jacques :
    — Va vite, ne t’inquiète de rien.
    Salomon serra pareillement Vitalis le Troué dans ses bras, le
bénit, et lui fit promettre de ne point trop railler les nobles. Ils s’arrachèrent
avec peine à ces embrassements, la figure des saltimbanques se tourna vers la
grand-route, ils s’éloignèrent en courant, tournèrent une fois sur eux-mêmes, en
un pas de danse trébuchant, pour agiter les mains en signe d’adieu, et
disparurent.
    Leurs compagnons restèrent silencieux au bord du chemin, à
attendre Stéphanie. Quand ils la virent apparaître à la poterne du village, avec
l’aubergiste et sa fille, ils s’avancèrent à sa rencontre. Le petit homme était
content : depuis l’hiver passé où sa femme était morte, il avait besoin d’une
servante. Novelli lui dit, en lui glissant sa bourse dans la main, qu’il
viendrait souvent voir la jeune dame. L’autre lui promit servilement qu’elle
serait traitée comme doit l’être la compagne d’un grand homme.
    Stéphanie et la jeune boiteuse, qui ne voulait plus la
quitter d’un pas, grimpèrent sur la même selle pour accompagner Jacques et
Salomon jusqu’à la lisière de la forêt. Leurs adieux furent simples et brefs. Les
regards et les mains furtives sur les visages ne parlèrent que de prochaines
retrouvailles.
    — Garde-toi, Novelli, dit-elle.
    — Garde-moi, dit-il.
    Et il tourna bride. Les deux hommes entrèrent dans le bois, traînant
derrière leurs montures un cheval et deux mules sans cavaliers.
    Le voyage fut lent et rêveur. Ils retrouvèrent avec une
émotion rieuse les arbres foisonnants d’oiseaux et l’herbe foulée où ils
avaient failli se battre, le gué du ruisseau où Vitalis et frère Bernard s’étaient
baignés, et le pré où ils s’étaient rejoints, de grand matin. Vers le milieu de
l’après-midi apparurent les premières cabanes au bord des vergers, les fumées
indolentes du faubourg dans le ciel pur, les remparts de la ville, au loin, et
l’odeur de Garonne. Alors, cheminant au pas de son cheval, sur le chemin large
au bord de l’eau, Novelli dit :
    — Je serai tout à l’heure accueilli dans mon couvent
comme à l’ordinaire, j’en sens déjà les parfums familiers, puis comme à l’ordinaire
j’irai distraire une heure ou deux Gui de l’Isle de ses plans de
cathédrale. Il sera content de me voir revenu au bon sens. Il pensera que j’ai
traversé une sorte de tempête d’âme et que j’en ai réchappé, avec l’aide de
Dieu. Il m’offrira des friandises de Grazide. Nous passerons un bon moment.
    — Souvent, répondit Salomon, tout semble aux gens
limpide, indiscutable, parfaitement simple. Pourtant, tout est faux. J’aime qu’il
en soit ainsi, je ne sais pourquoi.
    — Que s’est-il donc passé, dis-moi, depuis la dernière
maladie de mon oncle Arnaud ?
    — Rien que de prévisible. Le vieux cardinal est mort, une
bande
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