Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
réveillais, tu délirais. Tu ne reconnaissais personne et ne semblais même pas savoir qui tu étais. Nous nous sommes tous fait beaucoup de soucis.
    — Qui ça, nous ?
    — Alessandro, Spaur, l’impératrice et ton ami Sivry.
    La comtesse jeta un coup d’œil sur la montre posée sur la table de nuit.
    — Tu vas d’ailleurs bientôt recevoir de la visite.
    — De qui ?
    La comtesse sourit.
    — La princesse de Montalcino. Elle vient deux fois par jour. Le matin à dix heures et l’après-midi à quatre.
    — Elle vient deux fois par jour ?
    — Exactement. Et à chaque fois, elle reste assez longtemps. Alessandro est toujours sens dessus dessous en sa présence. Elle le ravit. Hier, il était si énervé qu’il a servi du mauvais côté ! Tu imagines ? Alessandro qui sert le rôti du mauvais côté !
    — Comment ? La princesse a mangé ici ?
    — Oui, hier et avant-hier. Elle parle à Alessandro comme s’il faisait partie de la famille.
    — Mais Alessandro fait partie de la famille. Toi aussi, tu lui parles sur ce ton.
    — Pas quand il sert et que nous avons des convives ! Mais peut-être que je suis trop vieille. La princesse mène de vraies conversations avec lui pendant que nous sommes à table. Hier, il s’en est fallu de peu qu’elle le prie de prendre place.
    — Cela me plaît.
    — À Alessandro aussi. Quand elle n’est pas là, il n’arrête pas de chanter ses louanges. La princesse par-ci, la princesse par-là ! Et alors, ses yeux brillent. Je ne l’ai jamais vu dans cet état.
    Elle secouait la tête.
    — Il a presque soixante-dix ans quand même…
    — Quelle heure est-il ?
    — Trois heures et demie.
    — Mon Dieu ! Mais alors, elle sera là dans un instant ! Passe-moi le miroir. Et mon lorgnon.
    Tron eut d’abord de la peine à trouver une ressemblance entre le barbu dans la glace et lui-même. Il avait un nez grand et pointu, les joues creusées et la peau grisâtre, sauf sur son front qui arborait les couleurs de l’arc-en-ciel : il y avait du bleu, du vert, du jaune avec de petites bosses rouges. Il avait dû se cogner à plusieurs reprises. Il faisait penser à un vieux Pinocchio tombé sur une palette de peinture.
    En même temps, il y avait dans ses yeux une lueur qui lui plaisait. L’œil gauche était certes toujours tuméfié et le pansement sur son arcade sourcilière n’était pas du meilleur effet, mais cela ne changeait rien à l’expression dans son regard. C’était une sorte de résolution joyeuse, une absurde assurance qui l’étonnait compte tenu de son état.
    Il rendit le miroir à sa mère et reposa la tête sur l’oreiller. Il était épuisé rien que d’avoir tenu la main en l’air. Il avait toujours du mal à respirer quoique ses côtes ne lui fissent plus mal.
    — Y a-t-il encore de la neige ?
    La comtesse secoua la tête.
    — Non. Voilà deux jours qu’elle est fondue. Il fait beaucoup plus chaud. C’est pourquoi Alessandro a laissé la fenêtre ouverte.
    Le blessé tourna la tête vers la droite et constata que les deux battants étaient grands ouverts. Dans le ciel bleu, quelques minces nuages formaient des cercles, comme les dernières traces d’humidité sur une table qu’on vient d’essuyer.

59
    Une demi-heure plus tard, au moment où la princesse entre dans la chambre, la fenêtre est toujours grande ouverte. Dans l’intervalle, quelques nuages plus importants sont apparus dans l’encadrement – pas chargés de neige, mais annonçant le printemps, comme de petits tampons de ouate. Cependant, Tron ne voit ni le bleu ni le blanc. Il ferme les yeux. S’il veut dire certaines choses à la princesse, il sait bien que c’est maintenant, tant qu’il est encore entouré par l’aura de ses hauts faits.
    D’un autre côté, pense-t-il, il n’est pas vraiment à son avantage dans cette chemise de nuit usée, pas rasé, un pansement sur le sourcil, avec le front de toutes les couleurs. Comment trouver les mots justes dans ces conditions ? Tout cela le trouble. C’est pourquoi il entrouvre à peine les paupières et se contente d’écouter les battements de son cœur, de sentir le parfum de la princesse et d’observer sa silhouette.
    Elle traverse la chambre d’un pas rapide et ferme la fenêtre. Puis elle prend le verre, le remplit et le repose. Apercevant de l’eau sur la table de nuit, elle l’essuie avec une serviette et enlève quelques miettes par la même occasion. Tron sent bien que cette fébrilité ne sert qu’à
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher