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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque
Autoren: Nicolas Remin
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Et ensuite chez moi. En entrant – il se pencha en arrière et rit aux éclats – par une fenêtre mal fermée ! Vous avez réagi en tout point comme je l’avais prévu.
    — Mais comment avez-vous su que j’étais sur votre piste ?
    — Un pur hasard ! Hier, j’ai rencontré le lieutenant Bruck sur la place Saint-Marc. Il m’a confié que quelqu’un avait demandé à consulter mon dossier militaire aux archives centrales de Vérone – ce qu’il avait lui-même appris par hasard. Et ce quelqu’un ne pouvait être que vous !
    Tron se garda bien de rectifier la déduction. Par égard pour l’impératrice.
    — Dès lors, je figurais aussi sur votre liste, conclut-il. Tout comme le colonel et la princesse.
    — En effet. Après avoir lu les actes du procès de Gambarare, vous connaissiez mes liens avec Pergen et avec Maria Galotti, expliqua Haslinger.
    — Maria Galotti que vous avez reconnue à La Fenice.
    — Que j’ai reconnue à ses yeux verts et à ses taches de rousseur. Dès que j’ai su qui était la princesse, j’ai compris ce qui s’était passé sur le navire.
    — Je ne vous suis pas.
    — La princesse a essayé de me tuer. Mais au lieu de cela, elle a tiré sur le conseiller.
    — Je ne comprends toujours pas.
    — Je vais vous expliquer, continua Haslinger en souriant. Mais seulement si vous êtes un gentil garçon.
    Sa petite plaisanterie le fit rire. Puis il se pencha au-dessus de la table et remplit le verre sans lâcher le pistolet.
    — Buvez, commissaire !
    Cette fois, le rhum lui brûla moins la gorge que la première fois. Mais quelques secondes plus tard, il remarqua que la lucidité qui avait suivi la première gorgée était remplacée à un rythme effrayant par une sensation de tête lourde. Il estima qu’il lui restait tout au plus cinq minutes s’il voulait entreprendre quelque chose. En outre, il commençait à se sentir mal.
    — C’est très simple, raconta Haslinger avec verve. C’est à cause des deux paquebots.
    Il contemplait sa victime. Ses yeux brillaient – comme ceux d’un acteur lors d’une représentation palpitante où il est sûr de l’attention que lui accorde le public.
    — L’ Archiduc Sigmund et le Princesse Gisèle sont des navires jumeaux, continua-t-il. Ils se ressemblent en tout point. En temps normal, la princesse prend le second et elle occupe toujours la même cabine – à tribord au milieu du couloir. Je tiens cela du steward. Or ce soir-là, elle a découvert que j’occupais la quatrième cabine à droite, en venant du restaurant. Sans doute décida-t-elle alors de m’abattre. Pendant la tempête, elle est sortie de sa cabine, et par réflexe, elle est allée à droite. Elle a frappé à la porte de toutes ses forces. Comme je ne répondais pas, elle a tourné la poignée et constaté que la porte s’ouvrait. Alors, elle est entrée et a tiré deux coups sur l’homme allongé dans l’alcôve.
    — Pourquoi était-ce le conseiller ?
    — Parce qu’elle avait oublié qu’elle ne se trouvait pas sur le Princesse Gisèle ! Les cabines de l’ Archiduc Sigmund sont numérotées en sens inverse. La sienne n’était donc pas à tribord, et celle de droite n’était pas la mienne. Par temps calme, elle aurait sans doute remarqué son erreur, mais dans ces conditions…
    — En d’autres termes, la princesse a…
    — … confondu les cabines !
    Il riait à gorge déployée.
    — Cela a dû lui faire un choc de me voir sur le pont, le lendemain matin !
    — Elle savait donc que ce n’était ni Grillparzer ni Pellico qui avait tué le conseiller.
    Haslinger hocha la tête en signe d’approbation.
    — Elle croyait l’avoir assassiné elle-même. Et elle se douta à juste titre que c’était moi qui avais tué la jeune femme. Sans doute a-t-elle aussi lancé l’idée qu’un troisième passager était responsable des meurtres…
    De la main gauche – il tenait toujours le pistolet dans l’autre –, il remplit le verre.
    — Buvez, commissaire !
    — Quand allez-vous m’abattre ?
    — Juste avant que vous ne vous effondriez.
    Il se pencha au-dessus de la table et fit une affreuse grimace. Son visage se trouvait maintenant juste derrière le chandelier. D’un geste lent, Tron prit le verre, et ce qui se produisit alors fut une initiative de son corps, ou plutôt de son bras. Aussi rapide qu’une mouette qui pique dans une vague pour y pêcher un poisson, il projeta d’un coup sec le rhum sur les bougies.

56
    S’il avait visé
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