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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits
Autoren: Gary Jennings
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l’historique Nil, les deuxième et
troisième plus longs fleuves du monde connu.
    J’aurais pu aussi faire facétieusement remarquer que
le Huang devait sans doute être aussi la rivière la plus haute de la
Terre. Ce que je veux dire (et l’on a toujours bien du mal à me croire quand je
l’explique), c’est que, sur la majeure partie de son cours, la rivière Huang se
tient au-dessus des terres qui l’environnent.
    — Comment cela se peut-il ? m’objecte-t-on
la plupart du temps. Tout fleuve est solidaire de la terre qui le porte. Si une
rivière s’élevait ainsi, elle inonderait purement et simplement les espaces
environnants.
    La rivière Jaune ne le fait pourtant pas, excepté en
de désastreuses occasions. C’est qu’au fil des années, des générations et des
siècles, les paysans han installés le long de la rivière ont bâti de hautes
levées de terre afin de renforcer ses rives. Mais le Huang a toujours charrié
une telle quantité de limon que celui-ci, s’accumulant au fond de son lit, n’a
cessé d’élever la hauteur de ses eaux. Les fermiers des abords, au fur et à
mesure, n’ont eu d’autre solution que de surélever les digues en proportion.
C’est ainsi qu’actuellement, pris entre ses berges artificielles, le Huang
domine littéralement les terres qui l’environnent. En certains endroits, si
j’avais voulu sauter dans la rivière, il m’aurait d’abord fallu escalader un
talus haut comme un bâtiment de quatre étages.
    — Mais si hauts soient-ils, ces remblais ne sont
jamais que des accumulations de terre, précisa mon père. Lors d’une année très
humide où nous sommes passés ici, nous avons vu le Huang se remplir si fort
qu’il les a fait éclater.
    — Une rivière maintenue en l’air et qui retombe,
fis-je amusé, voilà un spectacle qui devrait valoir le coup d’œil !
    — Imagine, si tu en es capable, intervint mon
oncle, Venise et sa partie continentale entièrement submergées sous l’eau du
lagon. Une inondation d’une ampleur incroyable. Des villages noyés, des villes
même, avec leurs peuples, par nations entières.
    — Cela n’arrive pas tous les ans, Dieu merci,
tempéra mon père. Assez souvent, cependant, pour avoir valu à la rivière Jaune
son autre nom de « Fléau des fils de Han ».
    Tant qu’ils parviennent à domestiquer le fleuve, en
tout cas, les Han en font le meilleur usage. Ici et là, le long de ses berges,
je vis les plus grandes roues du monde : des norias de bois et de bambou
d’une hauteur équivalente à vingt hommes debout. Sur le pourtour étaient
accrochés des multitudes de seaux et d’écopes que la rivière, avec une grande
prévenance, remplissait, faisait basculer et déversait inlassablement dans des
canaux d’irrigation.
    Découvrant soudain, au bord du fleuve, un bateau muni
de chaque côté d’immenses roues à aubes, je pensai dans un premier temps à une
nouvelle invention des Han pour remplacer la propulsion humaine à la rame. Mais
je fus une nouvelle fois désillusionné quant à l’inventivité tant vantée des
petits hommes jaunes, lorsque je vis que cette embarcation était amarrée à la
rive et que les fameuses roues étaient tout simplement actionnées par le
courant. En tournant, elles entraînaient à l’intérieur du bateau des essieux et
des engrenages qui faisaient tourner une meule à grains. Tout cela n’était donc
rien de plus qu’un moulin à eau, nouveau en ce seul sens qu’il n’était pas fixe
et pouvait être remonté ou redescendu sur le fleuve, partout où il y avait une
récolte à moudre pour en faire de la farine.
    On pouvait y voir quantité de bateaux de toutes
sortes, la rivière Jaune étant encombrée, si c’est possible, d’un trafic encore
supérieur à la route de la soie. C’est que les Han, compte tenu de l’immensité
des terres sur lesquelles ils ont à transporter biens et récoltes, préfèrent la
voie fluviale au transport terrestre. En dépit du mépris mongol pour le peu de
cas que font les Han des chevaux, ce choix n’en est pas moins éminemment
judicieux. En effet, sur une distance donnée, un cheval ou toute autre bête de
bât consommera plus de grain qu’il n’en peut transporter, quand le pilote d’une
embarcation n’aura besoin que d’une infime quantité de nourriture par rapport
au poids acheminé. Les Han ont donc pour leurs cours d’eau un respect qui
confine à la vénération. Ne vont-ils pas jusqu’à appeler ce
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