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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits
Autoren: Gary Jennings
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capitale de Kithai, Khanbalik.
Il y avait là, bien sûr, à la convergence de ces pistes caravanières,
l’agitation bruyante des négociants individuels, des familles et des convois
marchands. Mais une singulière procession de wagons tirés par des mules me poussa
à interroger nos guides :
    — Quel genre de convoi est-ce donc là ? Il
se déplace si lentement et dans un tel silence...
    Sur toutes les roues des voitures, on avait garni les
jantes de bottes de foin et de vieux tissus afin d’en amortir le bruit, et les
sabots de leurs mules, à l’évidence pour le même propos, étaient enfouis dans
des sacs de coton. Le convoi n’était pas pour autant totalement
silencieux : on distinguait le grondement pesant et sourd du roulement,
mêlé aux craquements des bâtis de bois et au crissement des harnais, mais sa
progression était bien plus étouffée que toute autre. Aux côtés des cochers han
qui conduisaient les voitures, d’autres cavaliers montés à dos de mule
escortaient les abords et, tandis que le cortège s’avançait dans la ville, ils
formaient autour de lui comme une haie d’honneur, éloignant la foule des rues
bondées sans proférer le moindre cri.
    Les passants s’écartaient obliquement, faisaient taire
leurs murmures et détournaient le visage avec effroi, comme si ce train de mules
convoyait un puissant et hautain personnage. Pourtant, il n’y avait dans toute
cette procession personne d’autre que ces cochers et leurs cavaliers
d’escorte, tous les wagons étant occupés par ce qui ressemblait à des tas de
tentes roulées ou de petits tapis, plusieurs centaines au total, des ballots
oblongs enveloppés de tissu, empilés à la façon de rondins sur les plateaux.
Quoi que fussent ces objets, ils avaient l’air très vieux et exhalaient une
odeur sèche de moisi et de renfermé. L’étoffe qui les recouvrait partait en
lambeaux déchiquetés, emportés au souffle du vent. Ces wagons, tout en
brinquebalant sur les ornières des rues, laissaient s’envoler derrière eux de
fines squames de tissu.
    — On croirait voir de vieux linceuls décomposés,
fis-je remarquer. Je fus stupéfait d’entendre Ussu répliquer :
    — C’est précisément ce dont il s’agit. Fais
preuve du plus grand respect, Ferenghi, ajouta-t-il d’une voix feutrée.
Quand les chariots défileront, retourne-toi et ne cherche pas à les regarder.
    Il ne souffla plus mot jusqu’à ce que tout le convoi
assourdi fut passé. Il m’expliqua ensuite que le peuple han tient par-dessus
tout à être enterré où il a vu le jour et que les survivants font tout pour
exaucer ce vœu de leurs défunts. Comme la plupart des Han qui détiennent des
auberges ou des commerces sur les confins occidentaux de la route de la soie
sont natifs des plus populeuses régions de l’est du pays, c’est là-bas que tous
souhaitent voir ensevelis leurs restes. Ainsi, tout Han décédé dans l’Ouest est
d’abord hâtivement enterré sur place, et lorsque, bien des années plus tard,
suffisamment d’entre eux ont rendu l’âme, leurs familles de l’Est organisent un
convoi pour les rapatrier dans leur région d’origine. Cela n’arrivait qu’une
fois par génération, selon Ussu. Je dois donc faire partie des rares Ferenghi à avoir pu apercevoir l’une de ces fantomatiques caravanes des morts.
    Tout le long de la piste, depuis Kachgar, nous avions
traversé à gué un certain nombre de petits cours d’eau issus des montagnes
neigeuses du sud qui allaient bientôt s’engloutir dans le désert situé au nord.
Mais, à quelques semaines de marche d’Anxi, nous atteignîmes une rivière
beaucoup plus considérable qui nous accompagnait vers l’est. À ses débuts, il
ne s’agissait que de joyeuses eaux claires et bondissantes, mais chaque fois
que notre route nous en rapprochait de nouveau, nous les trouvions à la fois
plus larges, plus profondes et plus tumultueuses, tandis que, en raison de
l’accumulation du limon qu’elles charriaient, leur teinte avait viré au jaune
sombre. D’où le nom qu’on leur donnait : Huang, la rivière Jaune.
Descendant en piqué sur toute la largeur de Kithai, le Huang est l’une des deux
grandes rivières qui arrosent ses terres. L’autre coule bien plus au sud, et son
flot encore plus puissant est appelé Yang-tze, ce qui signifie simplement
l’« énorme rivière ».
    — Ce Yang-tze et ce Huang, déclara mon père de
façon fort instructive, sont, derrière
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