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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie
Autoren: Robert Merle
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mouvement que les joueurs, mais sans en avoir la gloire, c’était là
une tâche humble et fort essoufflante, non point tant pour Montpouillan qui, à
seize ans, était mince et svelte comme un lévrier, mais pour Paluau dont une
bedondaine, avant l’âge, alourdissait les pas. Qui pis est, on s’en gaussait,
quoique sans méchantise, sa gentillesse ne lui ayant fait que des amis.
    — Messieurs, gagerez-vous ? dit Louis avec quelque
impatience, car ayant ôté son pourpoint il commençait à sentir le froid.
    — Oui-da, dit le maréchal, et sachant que la meilleure
façon de faire la cour au roi était de ne le point flatter, il gagea pour La
Curée.
    Mais comme il était aussi chiche-face qu’il était riche, il
ne déposa que deux écus dans la bourse qui attendait les pécunes à l’aplomb
d’un des poteaux qui supportaient le filet : cette gageure, de toute
façon, ne lui plaisait guère, étant à fond perdu, le vainqueur de la partie
ramassant tous les gages.
    Monsieur du Hallier, son frère, lequel était comme une
réplique affadie de son aîné et en tout l’imitait, gagea lui aussi deux écus
pour La Curée. Ce du Hallier avait, sur un signal de Vitry, tiré l’un des trois
coups de pistolet qui abattirent Concini sur le pont dormant du Louvre. Mais
bien que ces trois coups fussent tous trois mortels, comme il fut avéré dans la
suite, du Hallier, portant haut la crête, clamait que seul le sien l’avait été,
ce qui lui aurait valu d’être appelé sur le pré par les deux autres tireurs, si
Vitry n’avait mis le holà à ses vantardises.
    Le maître d’hôtel, Monsieur de Paluau, probablement parce
qu’il avait fait le même calcul que Vitry, gagea aussi pour La Curée, et ne
voulant pas offenser le maréchal en se montrant plus donnant que lui, il déposa
à son tour deux écus dans la bourse. Tant est que Montpouillan et moi-même,
afin de rendre les enchères plus égales, n’eûmes plus qu’à gager trois écus chacun
pour Louis. En tout, le pécule pour le vainqueur s’élevait à douze écus, ce qui
était bien peu pour un capitaine aux chevau-légers, et plus que maigre pour un
roi.
    — Plaise à vous, Sire, que je tire au sort le
service ? dit Vitry en se baissant pour prendre un écu dans la bourse du
filet. Que dit Votre Majesté ?
    — Face, dit Louis avec un sourire, car il aimait se
rappeler que cette face-là était justement la sienne.
    L’écu tourna sur lui-même dans les airs et eut la bonne
grâce en touchant le sol de donner l’avantage à Sa Majesté, laquelle,
affermissant dans sa main le manche de sa raquette, se campa pour le service.
Vitry ramassa l’écu à terre, et comme naturellement, l’empocha.
    — Tenez [7]  ! cria le roi, la raquette haute.
    — Je reçois ! cria La Curée de l’autre côté du
filet.
    La Curée gagna le service du roi, puis le sien, et derechef
le service du roi, mais après cela, tout soudain, son beau jeu se dérégla et il
ne fit plus rien qui valût.
    — Vous faiblissez, La Curée ! cria Louis.
    — C’est que j’ai faim, Sire ! dit La Curée.
    — Si je dois vous vaincre, je ne veux pas que ce soit
par la faim, dit Louis. Çà, Paluau ! reprit-il, laissez là ces balles,
courez aux cuisines et faites-nous apporter des viandes !
    — Céans, Sire ? dit Paluau en ouvrant de grands
yeux.
    — Céans !
    — Pour vous, Sire ?
    — Pour tous !
    Et comme Paluau s’en allait à petits pas, poussant devant
lui sa petite bedondaine, Louis cria :
    — Çà, Paluau, courez ! De grâce, courez !
    Ce qui fit rire, et Louis lui-même sourit, étant ce matin de
la meilleure humeur du monde, ayant trouvé le moyen de marier en moins d’un
mois son favori à une vieille et illustre maison.
    Avant que les vivres arrivassent, Louis eut le temps de
gagner encore deux jeux d’affilée à La Curée, lequel, depuis qu’on avait parlé
de gloutir, ne pensait à rien d’autre. Parurent enfin, poussant deux grands
plateaux sur un petit chariot, deux robustes ribauds de cuisine, escortés par
les deux premiers valets de Chambre de Sa Majesté, Henri de Berlinghen et
Soupite, le premier portant une grosse motte de beurre comme un sacrement, et
le second, assez de pain pour nourrir une patrouille.
    Je ne connaissais point le père de Soupite, mais fort bien
celui de Berlinghen, qui avait tant d’années servi Henri IV comme premier
valet de Chambre : gentilhomme fidèle, dévoué, discret, incorruptible. À
sa
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