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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie
Autoren: Robert Merle
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CHAPITRE PREMIER
    Des cinq balles de pistolet que les conjurés tirèrent sur
l’infâme Concini le vingt-quatre avril 1617, alors qu’il pénétrait dans le
Louvre par le pont dormant, les deux premières se perdirent, la troisième le
frappa entre les deux yeux, la quatrième sous l’œil droit, la cinquième lui
ouvrit la gorge. Tant est qu’on put dire – sans trop de raison –
qu’il fut tué trois fois, alors qu’une seule eût suffi pour le repos et le
soulagement de la France.
    « À’steure, je suis roi », dit Louis sobrement.
Dix jours plus tard, le trois mai, veille de l’Ascension, à deux heures et
demie de l’après-dînée, Marie de Médicis, sanglotante, partait en exil pour le
château de Blois, tandis que d’une fenêtre du Louvre, Louis regardait, la face
imperscrutable, s’éloigner le carrosse de la moins aimante des mères.
    Ma bonne marraine, la duchesse de Guise, qui avec sa fille,
la princesse de Conti, avait été fort des amies intimes de l’ex-régente et
n’avait eu, quant aux pécunes, qu’à s’en féliciter, eut du mal à se remettre de
ce coup-là, et d’autant qu’elle n’ignorait pas que Louis n’était pas grand ami
des femmes, ayant été si morgué et si rabaissé par sa mère pendant les sept
funestes années qu’avait duré son gouvernement. Mais rien n’échoue si
totalement que l’échec, une fois qu’il est acquis, en particulier à la Cour, où
ceux qui choient des hauteurs du pouvoir ne peuvent espérer conserver beaucoup
d’amis en leurs grisâtres lendemains.
    Et Madame de Guise qui, à la grande ire de mon père, du
chevalier de La Surie et de moi-même, avait du temps de la régence regardé
d’assez haut mon pauvre enfant-roi – « tout juste bon, avait-elle osé
dire, à fouetter ses petits mulets aux Tuileries » commença, quasiment du
jour au lendemain, à lui découvrir des vertus : la résolution, l’audace,
la prudence, et une dissimulation véritablement royale de ses desseins. Bref,
elle admirait qu’un garcelet de quinze ans et demi ait pu concevoir, mûrir et à
la parfin parfaire cet étonnant coup d’État.
    C’est à notre table que Madame de Guise prononça l’éloge de
Louis, ayant le matin dépêché un petit vas-y-dire à notre hôtel de la rue du
Champ Fleuri pour s’inviter sans façon à dîner, ayant à me dire, assura-t-elle,
des choses de la plus grande conséquence.
    Je doutai qu’elles fussent si importantes, bien que j’aimasse
ma marraine d’une amour filiale, portant son sang Bourbon dans mes veines [1] . Je le dis humblement, puisqu’un
adultère féminin, fût-il le fait d’une haute princesse, ne donne aucun droit à
une bâtardise royale. Peu me challait du reste ; je me sentais Siorac
jusqu’au fond des os, et bien décidé, comme mon père, à ne devoir mon
avancement dans le monde qu’au service du roi.
    De son corps de cotte à son vertugadin, de son vertugadin à
ses mignonnes mules, Madame de Guise était tout en satin bleu pâle pour flatter
son œil azuréen. Je ne compte pour rien les perles de sa vêture, ni les
diamants qui brillaient sur ses cheveux poudrés, n’ayant d’œil, quand elle
apparaissait, que pour son regard tantôt tendre et tantôt irrité, son rire gai
comme une musique, sa lèvre gourmande, ses saillies et ses emportements,
émerveillé que j’étais toujours par cette étonnante santé qui lui avait permis
de survivre à cinq accouchements, lui épargnait les infirmités de l’âge et lui
gardait intact son immense amour de la vie.
    Dès qu’elle s’assit à la droite de mon père, elle se mit à
assécher ses coupes et à gloutir ses viandes sans désemparer, et ce fut
seulement quand elle fut rassasiée qu’elle parla. Chose étrange et bien dans sa
façon, en fait d’affaires « de la plus grande conséquence », elle
commença par me chanter pouilles.
    — Eh quoi ! dit-elle, l’œil hautain, Monsieur mon
filleul, que suis-je pour vous ? La cinquième roue du carrosse ! Vous
me faites des cachottes ! Vous conspirez derrière mon dos ! Et contre
qui ? Contre la reine de France !
    — Je vous demande pardon, Madame, dit mon père avec un
sourire mi-tendre, mi-railleur, Marie de Médicis est la reine-mère. Elle n’est
pas la reine de France. Seule Anne d’Autriche a droit à ce titre.
    — Il n’importe !
    — Mais si, Madame, dis-je vivement, il importe !
Il importe même beaucoup ! J’ai conspiré, il est vrai, mais aux
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