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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie
Autoren: Robert Merle
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mort prématurée, il y avait eu quelque difficulté à ce que son fils lui
succédât dans sa charge : il était si jeune. Mais Louis, par fidélité à
son père, ne voulait personne d’autre qu’un Berlinghen à son service, et il
avait fallu qu’il se contentât du béjaune, qui avait à peine treize ans.
Soupite n’était guère plus vieux ni mieux formé, tant est que Louis avait
souvent maille à partir avec eux, les gourmandant et les punissant pour leurs
innumérables fautes, mais toutefois les aimant. Et à l’occasion, oubliant sa
majesté et se ramentevant son âge, il jouait avec eux.
    Les garçons de cuisine et les deux premiers valets de
Chambre disposèrent les plateaux sur les bancs des tribunes, qui servirent à la
fois de tables et de chaises. On s’attaqua aux viandes, à dents aiguës et avec
les doigts, car la cuisine avait oublié couteaux et fourchettes. De toutes les
viandes qui étaient là, on fit surtout honneur à des poulets de Bresse rôtis de
la veille, mais dont la chair était succulente. J’observai que Louis,
contrairement à son habitude, mangeait fort peu, pensant sans doute à la partie
inachevée, tandis que La Curée, qui n’avait pas volé son nom, gloutissait comme
quatre.
    — Que voilà une belle cuisse ! dit-il, la salive
lui coulant quasiment de la lèvre, en arrachant son morceau favori à un poulet
doré.
    — Peuh ! dit Vitry. À’steure, Luynes en a une bien
plus belle à se mettre sous la dent !
    — Vitry, dit Louis dit d’un ton roide, mais sans
hausser la voix, je ne veux pas qu’on dise devant moi des saletés et des
vilenies.
    Vitry baissa aussitôt le nez et ce fut merveille de voir ce
grand casse-trogne rougir comme pucelle. Je l’avais déjà vu rougir ainsi un
jour où, se trouvant dans le carrosse de Louis, il avait, ayant faim, tâché de
grignoter un biscuit en tapinois. « Vitry, avait dit Louis, voulez-vous
faire une auberge de mon carrosse ? »
    Il va sans dire que même avant que la matinée prit fin, la
réprimande infligée à Louis au sujet de Madame de Luynes fut connue de toute la
Cour, les uns blâmant à mi-mot et à voix petite la pudibonderie du roi, les
autres (surtout les dames) déplorant la grossièreté du maréchal. Je fus plutôt
de ceux-là, partie peut-être parce que Madame de Luynes s’étant déjà implantée
dans mon cœur, je ne voulais pas qu’on parlât d’elle ainsi, mais partie aussi
parce que Louis à mon sentiment avait raison de ne pas tolérer qu’on prononçât
en sa présence des propos aussi bas. Simplicité chez lui n’était pas complaisance.
Il est arrivé à Louis, après une longue chasse, à pied par vent et pluie,
d’entrer, épuisé et affamé, dans une auberge de campagne, d’y trouver des
Suisses d’un de ses régiments, de s’asseoir à la même table et de partager avec
eux le pain de seigle, le beurre salé et la piquette. Mais ce faisant, il n’y
avait pas à s’y tromper : il était toujours le roi.
    Quant à la partie de paume avec Monsieur de La Curée, Louis
la gagna, son adversaire étant très alourdi par ses viandes et ses vins.
    Dès que Vitry eut annoncé à voix stentorienne la victoire du
roi, j’apportai à Sa Majesté la bourse des gages. Comme on sait, elle ne
contenait plus douze écus, mais onze. Mais soit que le roi n’eût pas remarqué
l’effronterie de Vitry, soit que l’ayant observé, il ne voulût pas tabuster une
deuxième fois le maréchal dans la même matinée, il ne dit rien. Bien différent
en cela de son père, qui était raffolé de tous les jeux d’argent et trichait
sans vergogne aucune, Louis n’aimait pas mêler la pécune au divertissement, et
quand l’usage voulait qu’elle le fût, comme à la paume, il respectait
rigoureusement les règles, ne contestait jamais aucun coup et se montrait bon
perdant.
    En cette journée du treize septembre, si mémorable, comme
j’ai dit, pour Luynes et pour moi, je revis Louis deux fois : au Conseil
des affaires, qui dura de midi à deux heures et demie. Et le soir, chez
Monsieur de Luynes, qui donnait à souper sur le coup de huit heures, au roi et
à ceux qui avaient assisté à l’office du matin. La chère fut fort raffinée,
mais c’est à peine si j’y pris garde. Madame de Luynes avait changé de vêture,
mais celle-ci ne le cédait en rien en splendeur à celle de son mariage ;
son visage, aux chandelles, me parut plus beau et plus doux, avec un charme
d’intimité qui me
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