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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre
Autoren: Ken Follett
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cuisine occuperait un bâtiment séparé. Tôt ou tard une cuisine
finit par prendre feu, c’est pourquoi il vaut mieux la bâtir à l’écart et se
contenter d’une nourriture tiède.
    Tom
achevait l’entrée de la maison. Les montants de la porte seraient arrondis en
manière de colonnes – petite touche distinguée pour les nobles époux qui
allaient habiter ici. L’œil sur le modèle en bois qui lui servait de guide, Tom
appuya son ciseau de fer à l’oblique contre la pierre et le tapota doucement
avec un gros maillet. Les débris tombaient comme une petite pluie. Il
accentuait l’arrondi, inlassablement, pour obtenir une surface aussi lisse que
celle d’un pilier de cathédrale.
    Il avait
travaillé une fois sur le chantier d’une cathédrale, justement : à Exeter.
Il s’était fâché quand le maître bâtisseur l’avait prévenu que son travail
n’était pas tout à fait satisfaisant. Il se savait plus soigneux que le maçon
moyen. Puis il avait compris que les murs d’une cathédrale ne devaient pas
seulement être bien construits, ils devaient être parfaits : la cathédrale
était destinée à Dieu. Mais, surtout, le bâtiment était si grand que la moindre
inclinaison dans les parois, la plus légère variation de la verticale et de
l’horizontale absolues risquait de menacer toute la structure. La mauvaise
humeur de Tom céda place à la fascination. La combinaison d’une construction
extrêmement ambitieuse et de l’impitoyable attention au plus petit détail lui
ouvrit les yeux sur les merveilles de son métier. Il apprit du maître d’Exeter
l’importance des proportions, le symbolisme des divers nombres, et les formules
presque magiques pour calculer la bonne largeur d’un mur ou l’angle d’une
marche dans un escalier en spirale. Ces choses-là le captivaient et il fut
surpris de découvrir que nombre de maçons les trouvaient incompréhensibles.
    Peu de
temps après, Tom, devenu le bras droit du maître bâtisseur, s’aperçut aussi de
ces lacunes. L’homme était un grand artisan mais un mauvais organisateur,
complètement dépassé par les difficultés du métier : se procurer assez de
pierres pour suivre le rythme des maçons, s’assurer que le forgeron fabriquait
les outils nécessaires, brûler la chaux et apporter le sable pour la confection
du mortier, abattre les arbres pour les charpentiers et obtenir assez d’argent
du chapitre de la cathédrale pour payer !
    Si Tom
était resté à Exeter jusqu’à la mort du bâtisseur, il aurait pu devenir maître
lui-même ; mais le chapitre se trouva à court d’argent – en partie à cause
de la mauvaise gestion du bâtisseur – et les artisans durent partir chercher du
travail ailleurs. On offrit à Tom le poste de bâtisseur au château fort
d’Exeter, pour entretenir et améliorer les fortifications de la ville. Sauf
accident, c’était un travail à vie. Mais Tom avait refusé, car il voulait bâtir
une autre cathédrale.
    Sa femme,
Agnès, n’avait jamais compris cette décision. Il aurait pu avoir une bonne
maison de pierre, des domestiques, une étable et de la viande sur la table à
chaque souper ; elle ne pardonna jamais à Tom d’avoir laissé passer cette
occasion, incapable de comprendre l’irrésistible désir de bâtir une cathédrale.
La passionnante complexité de l’organisation, le défi intellectuel des calculs,
la dimension même des murs, la beauté et la grandeur de l’édifice terminé. Du
jour où il eut tâté de ce vin-là, Tom ne put jamais se satisfaire de moins.
    Il y avait
dix ans de cela. Depuis lors, ils n’avaient jamais séjourné longtemps nulle
part. Tom dessinait la nouvelle salle capitulaire d’un monastère, travaillait
un an ou deux sur un château ou bâtissait un hôtel pour un riche
marchand ; mais, dès qu’il avait économisé un peu d’argent, il reprenait
la route avec sa femme et ses enfants, à la recherche d’une autre cathédrale.
    Il leva
les yeux de son établi et vit Agnès plantée au bord du chantier, un panier à
provisions dans une main, une grosse cruche de bière posée sur la hanche.
C’était midi. Il la regarda avec tendresse. Personne ne l’aurait dite jolie,
mais elle avait un visage plein de vigueur : un front large, de grands
yeux bruns, le nez droit, la mâchoire solide. Ses cheveux bruns étaient coiffés
avec une raie au milieu et ramenés en chignon sur la nuque. Elle était l’âme
sœur de Tom.
    Elle versa
à boire à Tom
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