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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle
Autoren: Joseph Kessel
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s’inclina,
sourit et dit :
    — Nous allons laisser notre
hôte. Nous n’avons que trop abusé de son temps.
    Le Tiergarten se trouvait dans le
voisinage. Cette nuit-là, les promeneurs qui erraient à travers le grand parc
semé de statues royales et de charmilles obscures virent, à la clarté des
lampadaires, cheminer lentement, côte à côte, deux silhouettes
contrastées : l’une, haute, massive et jeune, l’autre menue, vieillotte,
chétive. C’étaient le docteur Kô et Félix Kersten. Le médecin-lama interrogeait
sans répit l’étudiant. Il voulait tout savoir de lui : les origines, la
famille, le caractère, les études et, surtout, ce que lui avaient enseigné ses
maîtres en massage à Helsinki.
    — Parfait, parfait, dit enfin
le docteur Kô. Je n’habite pas loin. Allons bavarder encore un peu chez moi.
    Quand ils furent dans son
appartement, le docteur Kô se déshabilla très vite, s’étendit sur un divan et
demanda à Kersten :
    — Voudriez-vous me montrer
votre science finnoise ?
    Jamais le jeune homme ne s’appliqua
autant que pour pétrir ce corps léger, jaunâtre, fragile et desséché. Quand il
se redressa, il était très satisfait de lui-même.
    Le docteur Kô remit ses vêtements,
fixa sur Kersten le regard brillant et amical de ses yeux bridés et sourit.
    — Mon jeune ami, dit-il, vous
ne savez encore rien, absolument rien.
    Il sourit et continua :
    — Mais vous êtes celui que
j’attends depuis trente ans. Selon mon horoscope établi quand je n’étais
encore, au Tibet, qu’un novice, je devais rencontrer, dans l’année que voici,
un jeune homme qui ne saurait rien et à qui je devrais tout enseigner. Je vous
propose de vous prendre pour mon disciple.
    C’était en 1922.
    Les journaux commençaient à parler
d’un illuminé délirant : Adolf Hitler. Et parmi ses séides les plus
fanatiques, ils citaient un instituteur qui s’appelait Heinrich Himmler.
    Mais ces noms n’avaient aucun
intérêt, aucun sens pour Kersten qui découvrait, émerveillé, l’art du docteur
Kô.
     

8
    Ce que Félix Kersten avait appris à
Helsinki et ce que lui révélait le docteur Kô, il faut bien le désigner sous le
même terme de massage, puisque les deux enseignements avaient pour fin de
donner aux mains le pouvoir de soulager et guérir. Mais, à mesure qu’il
assimilait les leçons de son nouveau maître, Kersten voyait qu’il n’existait
pas de commune mesure entre l’école finlandaise (dont il savait pourtant
qu’elle n’avait pas de rivale en Europe) et la tradition d’Extrême-Orient dont
le vieux lama-médecin lui transmettait les principes et les gestes.
    La première lui apparaissait
maintenant comme un tâtonnement primitif et presque aveugle qui ne pouvait
soigner que d’une manière superficielle, hasardeuse et provisoire. L’autre
méthode de thérapie manuelle, qui venait de si loin et de si haut, avait la
précision et la souplesse du savoir et de l’intuition à la fois. Elle allait à
la substance profonde, à la moelle de l’homme qu’elle avait à secourir.
    Selon la science chinoise et
tibétaine, enseignée par le docteur Kô, le masseur avait en effet pour premier
devoir de découvrir, sans aucune aide étrangère et sans même prêter attention
aux plaintes de son patient, la nature de la souffrance et situer son siège, sa
source. Comment espérer, en effet, guérir une maladie dont on ignore la racine ?
    Pour ce diagnostic indispensable, le
praticien disposait dans les corps de quatre pouls et de centres et de réseaux
nerveux, dénombrés, repérés par la médecine chinoise depuis des siècles et des
siècles. Mais pour instrument d’auscultation, il n’en avait qu’un : la
pulpe qui gonflait le bout de ses doigts.
    C’est elle qu’il fallait donc
entraîner, éduquer, affiner, sensibiliser à l’extrême pour lui permettre de
percevoir l’affection maligne qui couvait sous la peau, la graisse et les
chairs, et déterminer le groupe nerveux dont elle dépendait. Après quoi
seulement il devenait utile d’apprendre les parades, c’est-à-dire tous les
mouvements des paumes et des doigts qui influaient sur les nerfs désignés par
le diagnostic et, grâce à leur truchement, allégeaient le mal ou l’éliminaient.
    Pourtant, la connaissance de ces
gestes n’était pas la partie la plus difficile.
    Sans doute, avant d’avoir la
topographie des ramifications nerveuses toujours présente à l’esprit, et de
savoir la
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