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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle
Autoren: Joseph Kessel
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de la défaite allemande ; et Himmler dut
accepter peu à peu des formes encore plus importantes de soumission.
    Là, je ne peux m’empêcher de
faire une digression sur un thème plus général. Plus tard, comme je faisais mon
enquête pour les autorités britanniques sur les derniers jours d’Hitler, je fus
surpris de découvrir que la cour d’Hitler dépendait aussi des médecins, comme
la cour d’Himmler, et que la politique et la médecine y étaient inséparablement
mêlées. Dans mon livre, Les derniers jours d’Hitler, j’ai
raconté la grande lutte des médecins qui bouleversa la cour d’Hitler en 1944,
et qui se termina par la ruine du docteur Brandt et du docteur Hasselbach et
par le triomphe de l’allié de Marlin Bormann, le docteur Morrell. Il semble
que, dans nos dictatures modernes, aérodynamiques, aux emplois du temps
surchargés et en raison de la tension et de la complexité de leur machine
bureaucratique, les médecins aient remplacé les confidents les plus
traditionnels : les bouffons, les confesseurs et les favorites, auxquels
des despotes plus âgés, moins pressés, moins valétudinaires, avaient l’habitude
de faire confiance. Il en était certainement ainsi en Allemagne nazie. Pour
Hitler, dépendre du docteur Morrell assurait à celui-ci un pouvoir et une
fortune considérables. Pour Himmler, dépendre du docteur Kersten donnait à
celui-là de larges opportunités.
    Quelles étaient ces opportunités,
quelle était cette influence ? Peu à peu, au cours de ses interrogatoires,
Schellenberg les révéla. Sans en avoir l’air, une question en suivant une
autre, nous apprîmes comment Himmler avait consenti à épargner sept hommes
d’affaires suédois condamnés à mort pour espionnage à Varsovie ; comment
il avait autorisé les Bibelforscher, les Témoins de
Jéhova allemands, emprisonnés comme objecteurs de conscience, à quitter leurs
camps de concentration ; comment, tout à la fin, l’insigne persécuteur,
l’exterminateur des Juifs, avait même accepté de rencontrer un délégué de
l’Organisation Juive mondiale et laissé la liberté aux derniers survivants de
ce peuple. Et toutes ces concessions, nous l’apprîmes, avaient été arrachées à
Himmler par le même moyen, grâce à Félix Kersten. Comme le secrétaire de
Schellenberg l’entendit dire une fois à Himmler : « Le docteur
Kersten m’arrache une vie à chacun de ses massages. »
    Le témoignage de Schellenberg sur
ce point est doublement important. Il est important, avant tout, parce qu’il
est indépendant. On a dit parfois que les prétentions de Kersten d’avoir sauvé
des vies humaines reposaient sur son seul témoignage. C’est faux. J’ai été
convaincu de leur exactitude bien avant de connaître Kersten. Et, ensuite,
Schellenberg est un témoin particulièrement valable parce qu’il a été un témoin
réticent. À cette époque – et plus encore même par la suite –
Schellenberg ne voulait pas admettre que c’était Kersten qui avait sauvé toutes
ces vies. Il ne le voulait pas pour des raisons solides, égoïstes. Kersten
était sauf en Suède, lui ne l’était pas. Il était menacé d’être jugé à
Nuremberg pour des crimes de guerre dont il se savait effectivement coupable.
Il souhaitait par conséquent plaider les circonstances atténuantes. Il
souhaitait expliquer que, si coupable qu’il eût pu être, il avait du moins
racheté cette culpabilité en utilisant son influence sur Himmler pour sauver
les vies de ces sept industriels suédois, et d’autres aussi. Il n’admettait par
conséquent pas volontiers que ce fût Kersten qui les eût réellement sauvées.
Néanmoins, il ne pouvait vraiment dissimuler le fait. À son procès, en 1948,
Schellenberg invoqua ces services comme circonstances atténuantes, mais le
juge, après l’audition des témoins, les rejeta. Il était clair, déclara-t-il, que
les vies en question avaient été sauvées non par Schellenberg mais par une
personne alors inconnue qui n’était pas dans la salle : le docteur
Kersten.
    Oui, inconnue alors. Car, après
la guerre, Kersten avait vécu tranquillement en Suède. Il connut même,
inévitablement, quelque défaveur, pour avoir été le médecin du plus infâme de
tous les meurtriers nazis. Toutefois, le souvenir de ses services passés
n’était pas complètement perdu de ceux qui en avaient bénéficié. Les aveux de
Schellenberg, les témoignages au procès de Nuremberg étaient
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