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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle
Autoren: Joseph Kessel
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aux
Kersten. Ils y travaillèrent, paysans et fermiers, durant deux cents années. Le
Brandebourg n’était plus qu’une province de l’Empire d’Allemagne, et le XIX e  siècle
approchait de son terme quand un taureau enragé tua, en pleine force de l’âge,
Ferdinand Kersten, sur la terre que le margrave avait donnée à son ancêtre de
Goettingen.
    La veuve, laissée sans grandes
ressources, mais avec une famille nombreuse, vendit la ferme pour s’établir
dans la petite ville voisine où elle pensait qu’il lui serait plus facile
d’élever ses enfants.
    Le cadet de ses fils était agronome,
mais il n’avait plus de terre qui lui appartînt. Il chercha un emploi. Celui de
régisseur lui fut offert en Pays Balte, qui faisait partie de la Russie des tzars.
Il obéit au destin qui poussait les siens toujours plus avant vers l’est.
     

2
    Le domaine de Lunia, en Liflande,
était immense. Il appartenait au baron Nolke. La caste dont il faisait partie
n’existe plus. Mais elle était assez nombreuse alors en Europe Orientale et
Centrale. Possesseurs de terres grandes comme des provinces, les Magnats, les
Barines, seigneurs indolents et jouisseurs, laissaient leurs propriétés aux
mains des intendants et allaient dépenser à l’étranger des revenus énormes.
    Frédéric Kersten était d’une probité
scrupuleuse et d’une telle robustesse qu’il devait atteindre quatre-vingt-onze
ans sans avoir connu un seul jour de maladie. Cette probité, cette force, il
les mettait entièrement au service de la passion qu’il nourrissait pour le travail
de la terre. Il aurait pu gouverner indéfiniment le domaine en l’absence de son
maître ; mais, comme il se rendait souvent à Yourieff, ville principale de
la région, et célèbre par ses vieilles universités, il y connut M lle  Olga
Stubing, fille du directeur des Postes, s’éprit d’elle, lui plut et l’épousa.
Il quitta le service du baron Nolke pour faire fructifier les biens de sa femme
et de son beau-père qui comprenaient une petite propriété aux environs de
Yourieff et trois maisons entourées de grands jardins dans la même ville.
    Frédéric Kersten et Olga Stubing
furent très heureux.
    La jeune femme était d’une bonté
singulière. Elle invitait presque chaque jour, chez elle, des enfants pauvres,
les nourrissait, les soignait. Les familles nécessiteuses avaient l’habitude,
dans les jours difficiles, de s’adresser à elle. On savait également, dans la
région, qu’elle guérissait, par simple massage et bien mieux que les docteurs,
fractures, rhumatismes, névralgies et douleurs d’entrailles. Quand on s’étonnait
de ce pouvoir qui ne lui venait d’aucune étude, elle répondait avec
humilité :
    — C’est tout naturel, je tiens
cela de ma mère.
     

3
    Un matin de septembre de l’année
1898, Olga Kersten mit au monde un fils. Il eut un parrain de marque :
l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. Ce diplomate, épris
d’horticulture, s’était lié d’amitié avec l’agronome Frédéric Kersten au cours
des séjours assez fréquents que celui-ci faisait dans la capitale pour ses
affaires et ses travaux. À cette époque, le Président de la République
française était M. Félix Faure. En son honneur, le parrain ambassadeur
choisit pour son filleul le prénom de Félix.
    Autour des premières années de
l’enfant, il n’y eut que douceur, bonhomie, droiture et bon sens. Aux vertus
sûres et modestes de la vieille Allemagne, se mêlait la généreuse chaleur
humaine des foyers russes.
    Quant à la ville où grandit le petit
garçon, elle avait le charme des gravures d’antan.
    Les maisons y étaient de bois,
construites en grosses poutres apparentes, sauf pour la rue principale qui
s’appelait Nicolaïevskaïa, du nom du Tzar régnant. Là, les façades étaient de
pierre. Là, le dimanche, défilaient pour la promenade les équipages attelés de
chevaux splendides, landaus et victorias à la belle saison, traîneaux recouverts
de fourrures en hiver. À Yourieff, passait la rivière Embach, qui coulait vers
le lac Peïpous. Pendant les mois de gel, on y patinait et les collégiens et les
étudiants, qui avaient des vareuses et des casquettes d’uniforme,
s’empressaient autour des lycéennes aux joues saisies et rosies par le froid,
qui portaient, d’un bout à l’autre de la Russie, les mêmes robes et les mêmes
tabliers marron.
    Yourieff était le siège du
gouvernement de la province. Et le
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