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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable
Autoren: Christopher John Sansom
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jetant un regard derrière elle. L’oncle de cette fille…
    — Je sais. » Joseph avait dû traverser Londres à cheval, et peut-être avait-il lu lui aussi le récit du crime crié dans les rues. « Il vous semble de quelle humeur ?
    — Fort sombre, monsieur. Il est dans le salon. Je lui ai donné un verre de petite bière.
    — Vous avez bien fait. » Je tendis les rênes à Simon, le garçon que Joan avait engagé depuis peu pour l’aider dans la maison, et qui était arrivé en courant. Un gamin aux cheveux filasse, épais comme une allumette. Chancery, qui n’était pas encore habitué à lui, se mit à piaffer sur le gravier et faillit marcher sur l’un des pieds nus du gamin. Simon lui parla d’une voix rassurante, puis me fit un salut rapide avant de conduire le cheval à l’écurie.
    « Il faut qu’il mette des chaussures, ce garçon », dis-je.
    Joan secoua la tête : « Il ne les portera pas, monsieur. Il prétend que ça lui fait mal aux pieds. Je lui ai pourtant répété que, dans la maison d’un gentleman, on allait chaussé.
    — Dites-lui qu’il aura six pence s’il les met pendant une semaine, lançai-je. Et maintenant, il faut que je voie Joseph. »
    Joseph Wentworth avait une cinquantaine d’années, une silhouette assez massive, des joues rouges et un air emprunté. Son pourpoint du dimanche en simple laine brune, trop épais pour la chaleur du moment, le faisait transpirer. Il ressemblait à ce qu’il était : un fermier laborieux, propriétaire de terres peu fertiles dans l’Essex. Alors que ses deux frères cadets étaient venus chercher fortune à Londres, lui était resté à la ferme. Il avait été mon client deux ans plus tôt : je l’avais défendu contre un gros propriétaire terrien qui voulait transformer sa ferme en pâturage à moutons. J’aimais bien Joseph, et sa lettre, reçue quelques jours auparavant, m’avait serré le cœur. J’avais été tenté de répondre honnêtement que je doutais de pouvoir l’aider, mais il m’avait semblé totalement désemparé.
    À ma vue, son visage s’éclaira et il s’approcha pour me serrer la main avec empressement. « Messire Shardlake ! Bonjour, bonjour ! Avez-vous reçu ma lettre ?
    — Oui. Vous logez à Londres ?
    — Je me suis installé dans une auberge à côté de Queenhithe.Mon frère m’a interdit sa maison pour avoir pris la défense de notre nièce. » Une lueur désespérée brillait dans ses yeux noisette. « Il faut m’aider, messire, il faut aider Elizabeth. »
    Mieux valait aller droit au but. Je sortis la feuille de ma poche et la lui tendis.
    « Avez-vous lu cela, Joseph ?
    — Oui, répondit-il en passant la main dans ses cheveux noirs et bouclés. Ont-ils le droit de raconter ces choses-là ? N’est-elle pas innocente tant que sa culpabilité n’est pas prouvée ?
    — En théorie, oui. Mais en pratique, il en va tout autrement. »
    Il prit dans sa poche un mouchoir délicatement brodé pour s’essuyer le front. « Je suis allé voir Elizabeth à Newgate ce matin, dit-il. Seigneur, quel endroit abominable ! Pourtant, elle garde obstinément le silence. » Il passa la main sur ses joues mal rasées. « Pourquoi refuse-t-elle de parler ? Pourquoi ? C’est sa seule chance de salut. » Il me regarda d’un œil implorant, comme si je connaissais la réponse. Je lui fis signe de s’asseoir.
    « Allons, Joseph, reprenons tout depuis le début. Je ne sais que ce que vous m’avez dit dans votre lettre, qui ne m’en a guère appris plus que cet infâme pamphlet.
    — Pardon, je n’ai pas grand talent pour écrire, déclara-t-il, l’air navré.
    — L’un de vos deux frères est le père du garçon assassiné, n’est-ce pas ? Et l’autre était le père d’Elizabeth ? »
    Il hocha la tête, luttant manifestement pour maîtriser son émotion.
    « Mon frère Peter était le père d’Elizabeth. Il est parti pour Londres tout jeune et a loué ses services comme apprenti chez un teinturier. Il a gagné sa vie convenablement, mais depuis l’embargo de la France, le commerce a décliné de façon régulière ces dernières années. »
    Je hochai la tête à mon tour. Depuis notre rupture avec Rome, les Français avaient interdit l’exportation de l’alun, qui était indispensable aux teinturiers, vers l’Angleterre. On disait que même le roi portait à présent des chausses noires.
    « La femme de Peter est morte il y a deux ans, poursuivit Joseph. Quand un flux de sang a emporté Peter à
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