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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves
Autoren: Viviane Moore
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là-bas ? demanda Hugues en désignant la tablée de guerriers.
    — C’est la première fois que je les vois à la taverne, répondit la femme. Mais celui du bout s’appelle Magnus le Noir. C’est point des drôles...
    La robuste femme s’était tournée vers Tancrède qu’elle dévisagea avec aplomb.
    — Vous, fit-elle, vous pourriez être du coin. Mais c’est vos yeux qui sont point d’chez nous. Trop verts, et en amande avec de longs cils comme une fille.
    Elle lui fit un clin d’oeil entendu.
    — Avec des yeux comme ça, sûr qu’elles doivent pas vous résister longtemps ! Remarquez, moi, vous seriez dans mon lit que je m’ensauverais pas. Parole !
    Le jeune homme s’empourpra, mais la grosse servante était déjà repartie en gloussant.
    — Je crois que vous l’avez séduite, remarqua Hugues avec un sourire en coin.
    Tancrède haussa les épaules. Il avait sorti son couteau et découpa un morceau de gigot, qu’il posa sur une large tranche de pain.
    — Dommage que vous manquiez de repartie, insista l’Oriental. Il est vrai que je n’ai pas prévu ce genre de situation dans l’enseignement que je vous prodigue.
    — Toutes celles que j’avais me sont venues après, avoua piteusement Tancrède. Et puis, je ne crois pas que j’aurais eu le dessus.
    — C’est vrai, approuva Hugues en se servant à son tour.
    Les hommes à la hache sortirent. Hugues qui, tout en mangeant, observait ce qui l’entourait, remarqua qu’un homme vêtu d’un ample mantel gris s’était dirigé vers un jeune et solide gaillard qu’il avait jusque-là feint d’ignorer. Ils discutèrent puis s’en allèrent ensemble.
    « Sans doute, quelque mauvais tour qui se prépare », se dit-il en remarquant que le plus jeune boitait bas. L’autre était mince et grand, mais il n’avait pu voir son visage.
    Voleurs et assassins pullulaient dans ces lieux où se croisaient nobles seigneurs, riches marchands et armateurs.
    — Quel nom a-t-elle dit en parlant de ceux-là ? demanda Tancrède.
    — Pardon... fît Hugues qui eut un peu de mal à saisir de quoi il retournait. Ah, oui ! C’est Magnus le Noir, j’aurais dû m’en douter, d’Aubigny m’en avait parlé. Il sera à bord de notre esnèque. C’est la garde spéciale envoyée par Henri II pour escorter son présent jusqu’en Sicile. Une unité d’élite.
    — Quel présent ?
    — Nul ne le sait, seins doute des pièces d’orfèvrerie comme seuls les rois et les princes savent en offrir à leurs pairs. Il y a eu de nombreux changements politiques en Sicile depuis la mort de Roger II et Henri veut montrer qu’il reconnaît Guillaume I er comme le digne successeur de son père. Avec ce qui se passe en Orient, la Sicile est d’une grande importance stratégique.
    — Ces hommes-là ne ressemblent guère aux guerriers normands que nous avons rencontrés jusqu’ici.
    — Non. Vous avez raison, ils sont différents. Certains combattaient dans les Pouilles. Il ne restait jamais grand-chose de vivant après leur passage.
    Une ombre passa sur le visage d’Hugues.
    — Mais je vous en parlerai quand nous serons plus au calme.
    Quelques instants plus tard, alors que les deux compagnons achevaient leur gigot, un homme entra, escorté d’un grand chien gris aux allures de loup. Les gens s’écartaient devant eux.
    — Saleté de bête ! marmonna un marin en crachant par terre.
    Eudes se dirigea vers les notables et salua le marchand italien.
    — Le prévôt de la ville, fit Hugues. Il faudrait que nous nous présentions à lui, d’Aubigny me l’a fait promettre. J’ai cru comprendre qu’il avait fort affaire en ce moment avec une histoire de gamins assassinés.
    — Comment savez-vous tout cela ? remarqua Tancrède. Nous ne sommes arrivés que depuis hier et déjà, j’ai l’impression que vous connaissez tout le monde.
    — J’aime à discuter avec les petites gens. Il est peu d’hommes ou de femmes qui n’apprécient qu’on leur prête une oreille attentive...
    Une voix féminine les interrompit. La servante était revenue.
    — Si vous avez fini, mes beaux sires, j’vas vous trouver de la place dans la salle à boire. Y en a qu’ont besoin de la table.
    Les deux hommes se levèrent. Sa lourde poitrine fendant les rangs des habitués comme une étrave de navire l’eût fait des vagues, la robuste femme les entraîna vers une natte de jonc dans un angle de la taverne.
    Hugues nota avec satisfaction qu’un pilier les
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