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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves
Autoren: Viviane Moore
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protégeait de la vue et que la sortie était proche. Les échauffourées étaient fréquentes dans ces lieux où bière et vin coulaient à flots.
    — Asseyez-vous là, messires, vous serez bien. Vous voulez de la bière ou du cidre ? Moi je vous conseille notre bière, c’est la meilleure du duché. Même notre roi Henri en boit.
    — Alors, va pour la bière.
    La femme revint avec deux pichets remplis à ras bord et une assiette de terre sur laquelle étaient empilées de fines lamelles de porc grillé.
    — Ce sont des carbonnées ! Ça glisse tout seul. Pis, ça donne soif ! Un de nos habitués, un Flamand, nous a dit qu’ils faisaient ça aussi par chez eux.
    Hugues lui glissa une pièce et les deux hommes s’assirent en tailleur. Non loin d’eux, des joueurs lançaient les dés tandis que de jeunes mousses jouaient aux osselets. Des marins, reconnaissables à leurs habits de grosse toile et à la forme effilée des couteaux pendus à leur ceinture, descendaient pichet sur pichet puis sortaient pour pisser dans la venelle voisine avant de revenir lever à nouveau le coude.
    Une épaisse fumée, venue de la cheminée qui refoulait, planait au-dessus d’eux. Les lampes à huile disposées dans les niches jetaient de faibles lueurs sur les visages les plus proches, éclairant ici une balafre, là un rictus ou un sourire béat d’ivrogne.
    — C’est vrai que ça donne soif, ces carbonnées, remarqua Tancrède en buvant une nouvelle rasade.
    Les yeux lui piquaient. Il avait trop mangé, trop bu sans doute, mais il s’était rarement senti aussi bien.
    — C’est fait pour, répondit Hugues avec un sourire en coin.
    — Je n’arrive pas à croire que nous partons demain, finit par confier le jeune homme. Cet hiver a été le plus long de ma vie.
    — Ce n’est guère aimable pour l’hospitalité du sire d’Aubigny.
    — Vous savez très bien qu’elle n’est pas en cause. Mais après ce qui s’est passé à Pirou {2} , j’avoue que je n’avais guère envie de m’enfermer à nouveau dans un château.
    — Notre séjour y a pourtant été fort utile, croyez-moi. Et puis, l’hiver a été si redoutable, nous étions mieux là qu’ailleurs...
    Des images de campagnes ravagées par le froid leur revinrent. Des dépouilles d’animaux. Des troupeaux de cerfs et de biches sortant des bois pour chercher leur nourriture aux abords des maisons. Des loups s’attaquant aux villageois. Des nuées de corbeaux. Et tous ces cadavres aux membres raidis, posés contre les chambranles des maisons en attendant que le dégel permette de creuser la terre...
    — Une fois encore vos talents de mire ont été bien utiles, remarqua Tancrède en se souvenant de cet enfant gelé que son maître avait ramené à la vie.
    — Vous aussi, bientôt, vous saurez tous ces gestes. Je repense à d’Aubigny. Cela ne m’étonnerait pas qu’un jour ou l’autre il vienne nous voir en Sicile. Savez-vous la drôle de nouvelle qu’il m’a annoncée peu avant notre départ ?
    — Non.
    — Serlon de Pirou s’est remarié et son épouse porte fruit. Peut-être aura-t-il enfin un héritier mâle.
    Le beau visage de Tancrède se ferma. Il revoyait le corps blanc, lisse et doux de la jeune femme prise dans la mer gelée...
    — Vous ne l’avez pas oubliée, n’est-ce pas ? fit Hugues qui l’observait.
    — Je ne l’oublierai jamais, affirma le jeune homme.
    Une soudaine mélancolie ombra le regard d’Hugues de Tarse. Il allait répondre, mais un hurlement de rage les interrompit.
    — Tricheur ! cria un marin en se jetant sur l’un des joueurs. Rends-moi mon argent ou je donnerai ta carcasse à manger aux poissons !
    Le joueur esquiva son assaillant, mais perdit l’équilibre. On entendit un bref grognement du chien du prévôt que celui-ci retint en l’attrapant par le cou. Déjà les deux hommes roulaient au sol. D’autres marins s’empoignaient. Hugues se leva et entraîna Tancrède à l’extérieur. Le prévôt les avait imités et, bientôt, le son de sa trompe retentit dans la ville endormie. Les gens d’armes qui patrouillaient non loin de là arrivèrent au pas de course et se précipitèrent en force à l’intérieur de l’auberge, frappant du gourdin les récalcitrants.
    Les deux amis s’étaient éloignés à pas lents, respirant l’air froid à pleins poumons. La nuit était claire et la lune scintillait sur la mer. Ils longèrent le quai, fixant la silhouette dansante de
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