Les fontaines de sang

tous, sauf 7 qui sont emprisonnés à Trèbes.
    Le siège a duré six semaines. Arnoul n’y est vraiment apparu qu’à la fin. Soudain, pour mettre un terme à leur chômage, les inquisiteurs de Carcassonne font répandre le bruit que les routiers sont hérétiques… et l’on voit des descendants des cathares courir à Trèbes et demander qu’on leur livre les 7 malandrins pris à Peyriac. Le châtelain refuse. Ils assiègent le château et commencent à l’incendier. On emmène les captifs dans la cité. Une émeute y a soudain lieu car le bruit s’est répandu qu’on voulait faire évader les 7 drôles. Arnoul, présent, ne rétablit point l’ordre : il aime à voir des gens s’entretuer.
    Il disparaît encore. Réapparaît pour donner des lettres de rémission. À qui ? Mais à une crapule : Bertrand, vicomte de Monclar qui, de complicité avec les routiers, a incendié Saint-Urcisse (près de Gaillac) et dévasté Rabastens et Puiceley ; pour ne pas faire de jaloux, Arnoul accorde des lettres à Guillaume Agasse pour avoir ravagé les terres du vicomte de Monclar ! Puis disparaît. Auguste Molinier constate :
    À partir de ce moment, nous ne savons plus ce que le maréchal fit en Langue d’Oc, ni s’il tint les États qu’il avait convoqués pour le 6 novembre.
    On le retrouve à Lyon, en octobre. On se demande ce qu’il y fait. Peut-être est-il allé à la rencontre du duc d’Anjou qui doit le remplacer auprès des Languedociens 431 .
    La guerre, la paix, les affaires
    Au début de 1365, les routiers font ouvertement la guerre au nom du roi de Navarre.
    Fin février, Charles le Mauvais nomme Arnaud Amanieu d’Albret, vicomte de Tartas, pour guerroyer en son nom en Bourgogne et Languedoc. Arnoul est envoyé en Hongrie pour négocier avec l’empereur Charles IV le passage des malandrins dans son pays : le grand dessein, c’est de les envoyer combattre les Turcs. Il échoue et c’est alors que l’idée de pousser les routiers en Castille prend corps. On va occire le roi de Castille, l’ami des Juifs, l’excommunié, le meurtrier de Blanche de Bourbon. Nombreux sont les capitaines français et anglais 432 qui offrent leurs services, dont Arnoul sur ordre de Charles V et non pas de gaieté de cœur.
    Le 29 novembre 1365, Guesclin emprunte 10 000 francs aux bourgeois de Montpellier. Arnoul comprend la leçon et, parvenu à Barcelone, il souscrit, avec le Breton, auprès du sire d’Aubeterre, une obligation de 2 060 florins (9 janvier). À Barcelone, Saragosse, le trésorier du Trastamare paie les routiers avec de l’argent qui sort des coffres de Pierre d’Ara gon. Ni le Breton ni Arnoul ne bronchent quand les routiers pillent, tuent, incendient. Ils s’entendent comme larrons en foire (583) . À Briviesca, Arnoul seconde Guesclin dans ses crimes.
    Puisque le cycle de Tristan de Castelreng s’achèvera avant le septième volume, il n’est pas nécessaire d’en dire davantage sur les événements d’Espagne. Cependant, il importe dès maintenant de savoir que, capturé à la bataille de Najera (3 avril 1367) où le Prince Noir se révéla, comme à Poitier un excellent stratège, Arnoul faillit perdre la vie.
    Sitôt qu’il l’entrevit, le fils d’Édouard III l’interpella ainsi :
    –  Traître, parjure ! Vous méritez la mort !
    Arnoul n’avait jamais payé sa rançon de Poitiers. De plus il avait été mis en liberté à condition de ne pas porter les armes, à moins que la guerre ne fût déclarée entre Édouard III et le roi de France.
    Le maréchal dut avoir la vedette !
    – Sire, dit-il, la sueur au front (et la honte sans doute) vous êtes fils de roi et je ne puis vous répondre de la façon dont je devrais le faire… Cependant, je ne suis ni traître ni parjure !
    – Voulez-vous vous soumettre au jugement des chevaliers ? Je vous prouverai que j’ai raison !
    – J’accepte, dit Arnoul.
    Il ne pouvait faire autrement.
    On choisit aussitôt 12 chevaliers : 4 Anglais, 4 Gascons 4 Bretons. Et le prince leur dit :
    – Je vous le dis, messires, cet homme pris à Poitiers et mis à rançon a juré de ne pas combattre l’Angleterre, à moins qu’il n’y eût guerre ouverte entre les deux rois. Il n’y avait aucun prince de la famille de France dans l’armée du roi Henri. Par conséquent, cet homme a manqué à sa foi.
    Tous les chevaliers approuvèrent Édouard de Woodstock Alors, Arnoul plaida désespérément sa cause :
    – Sire, dit-il,